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LA FOLLE EXPÉRIENCE

Sans qu’il eût à faire des efforts, les événements venaient à lui. Il goûtait, il savourait les sourires sincères, pitoyables de son ami, immobilisé dans son lit ; il éprouvait une sorte de plaisir malin à le réconforter, Dufort lui donnait l’occasion d’exercer sa belle âme et l’oubli des injures.

Comme Dufort était avare pour garder des ressources à la prodigalité et à la légèreté de Philippe, un peu plus Philippe l’aurait béni de lui donner cette occasion d’être bon.

Il n’analysait pas ainsi ses sentiments : il lui suffisait d’un trouble et d’une confusion intérieurs, reste de conscience, pour saisir ce qu’il y avait de laid et de bas.

Les apparences étaient sauves et la femme de Dufort ne s’aperçut d’abord de rien. Philippe venait souvent, il faisait les courses à la pharmacie, il demanda la consultation d’autres médecins : on ne voyait que lui.

Rapidement, ce ne fut plus le désir de la vengeance qui le tint, ce fut désormais le goût de la liberté. Dufort ne lui importait plus. Qu’il ait été longtemps son maître et celui dont il dépendait pour ses vices, Philippe ne s’en souciait plus. C’est la liberté qu’il voulait, et la maladie le retenait maintenant auprès de Dufort, comme autrefois le goût de l’alcool. Juliette, sa femme, comme si elle l’eût deviné, à l’arrivée et au départ de Philippe, maintenant, doublait les doses. Elle le retenait, elle essayait