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DE PHILIPPE

droit de son mari, mais ces mots : « Je suis trop heureux », lui étaient inexplicables : elle essaya de tout excuser jusqu’au jour que Philippe se dévoila, mais, là encore, il y eut méprise, et ils ne se voyaient plus.

Dans la rue, Philippe n’était plus aussi sûr de voler, de garder cet argent pour le cadeau de Claire. Sans rien décider, il voulut faire une longue promenade à pied, pour mieux rêver à Claire, pour imaginer sa joie éventuelle, pour la posséder tout de suite, sous la figure qu’il lui donnait. Plus Philippe la faisait vénale, plus son désir se précisait, et là-dessus, paradoxalement, il brodait des scènes de sentimentalité et de larmes. Il n’allait pas jusqu’à croire qu’elle eût une belle âme (son mot favori, avec lequel il se trompait, sans s’excuser pour autant, parce qu’il le prononçait toujours avec ironie) mais Philippe composait déjà en marchant les lettres où, en phrases raciniennes, il lui parlerait de la sienne…

Philippe était heureux à chanter, sous la verdure et le soleil.

Il entra dans une taverne. Il voulait prolonger ce rêve jusqu’à la griserie. Il demanda du papier et de l’encre, pour écrire à Claire, lui dire qu’il l’aimait depuis longtemps, que son amitié pour son mari n’avait été qu’un paravent et qu’il s’était sacrifié à de vaines conversations avec lui, afin qu’elle fût heureuse, qu’elle vît des hommes qu’elle aimait, qu’elle se donnât