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LA FOLLE EXPÉRIENCE

venu que pour voir celle à qui il n’apporterait, il ne donnait rien. Rapidement, pour elle, une attitude bohème devant un bohème pansa sa déception de n’avoir pas le cadeau qu’elle escomptait. C’est elle qui pallia volontairement cette faute contre les rites.

Du reste, elle était pressée, et l’important n’était pas là. Tout de suite il lui fallait l’irréparable. Femme de tête et volontaire, pas toujours patiente, avec elle, c’était sans plus tarder le définitif.

Son visage avait été fait soigneusement. Philippe observait qu’elle avait choisi le déshabillé qu’elle portait, que ses mots et ses gestes se montraient prémédités. Mais vais-je peindre une coquette ? Assurément, elle ne manquait pas de vanité, mais ce qui la faisait agir avait plus de noblesse. Elle voulait punir le mort, elle voulait aguicher son amant et par Philippe l’amener au mariage : à part elle, elle songeait surtout aux deux enfants à qui toutes ces intrigues procureraient une vie meilleure et plus assurée. Même, profondément religieuse, superstitieuse plutôt, avant l’arrivée de Philippe elle était allée à l’église réciter un chapelet — pour qu’enfin ses enfants aient un père qui en prît soin. Sans trop de bigoterie, elle ressemblait aux dévotes qui ne font rien sans tremper leurs doigts dans l’eau bénite. Si l’on reproche aux dévotes leurs pratiques vaines, qu’on leur dise « un acte d’abandon vaut toutes les prières du