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LA FOLLE EXPÉRIENCE

Philippe furent naïfs de voir dans ses actes le fin du fin de l’amoralisme. Alors ils sentaient leurs lectures, comme un enfant sent le lait.

Alors, aussi pourtant, par esprit de contradiction pour contredire Boulanger qui l’obsédait, Philippe faisait montre de sensibilité, il faisait voir volontiers son bon cœur. Il choisissait aussi inconsciemment ce biais pour plaire à la dame, la flagorner et obtenir un rang particulier : Philippe ne pouvait être l’amant en titre, elle en avait un nouveau chaque semaine, que, dans sa démence, elle trompait trois fois par jour. Philippe était donc l’habitué de l’escalier de service, et qui avait des faveurs lorsque tout le monde dormait ou était à son travail. Le fils aîné filait aussi des amours, il les filait avec une grue vérolée, l’amie de sa mère, aux petits soins avec elle. Lorsqu’elle entrait, il changeait le disque sur le phonographe, pour celui qu’elle aimait : Pagan love song.

Cet air revenait aux oreilles de Philippe, avec une tristesse chaude. Il avait encore dans la bouche le goût de cet alcool de contrebande qu’ils buvaient alors, ce liquide fiévreux et poivré, qui les étourdissait au premier verre.

Devant Claire, Philippe voyait des corps avachis sur les divans. Il fait froid dehors, et la pièce est chaude comme une étuve. La chambre, par sa porte, est un trou d’ombre, où éclate la blancheur du lit, ce lit où passa toute une jeu-