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DE PHILIPPE

lant, elle ne fit disparaître ces rêves d’amour avec lesquels il jouait. Philippe n’était pas assez perspicace pour voir que lui-même ressemblait, non pas à un dévot, à ce dévot qui se vautre, mais à une dévote qui, par ses indignations, ses médisances et ses prières pour les pauvres pécheresses, frôle le péché qu’elle est bien empêchée de commettre.

Philippe vécut six semaines avec Claire. Quelques moments d’amour, toujours mêlés d’alcool et de dôpe justifiaient seuls aux yeux d’un public éventuel et inexistant cette comédie de passion de lettres et de poèmes que Philippe ne cessait d’adresser à Claire. Il partait souvent et revenait à sa passion comme un mari revient au foyer : des mots, une vague musique tenaient lieu de la pipe et des pantoufles devant la bûche qui flambe, dans le petit coin intime. Cependant Claire et Philippe, l’un devant l’autre, n’étaient jamais qu’en représentation, leur vraie vie était ailleurs. Claire préparait son avenir et Philippe lui était utile dans son jeu, pour la jalousie qu’il provoquait. Quant à Philippe, il s’abandonnait à son vice totalement. S’il disait à ses amis pour se justifier qu’il ne croyait qu’au moment présent et qu’il était plus sage que les autres sceptiques, puisqu’il vivait ce qu’il pensait, il ne mentait qu’à un très vague remords dont il n’avait conscience que de loin en loin. Il avait abandonné toute réalité pour ne s’attacher qu’à une seule où il se cramponnait,