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DE PHILIPPE

l’orage dans l’air, bien que le temps parût beau. Cela se fit brusquement. Une poursuite de créancier, puis une autre, et voilà le Patron qui fait cession de ses biens. Durant deux semaines, il ne quitta pas son domaine, justement au moment que Philippe, fatigué de Claire, muni d’une petite somme d’argent, que lui avait valu une lettre papelarde à un abbé de ses parents, resta enfermé dans une chambre d’hôtel, avec des journaux français, du vin et sa jaune qu’il renouvelait deux fois par jour, à la pharmacie : ses seules promenades,

Le Patron cachait depuis plusieurs années ses amours honteuses, puis satisfaites dans une pointe de riches Anglais, la Pointe des Messieurs, si discrète sous son feuillage que ce n’est que l’hiver entre le treillis des branches noires qu’on pouvait observer, comme une maison qu’un déménagement vient de vider, les cinq gros cottages qui s’y cachaient. N’y entraient que de grosses limousines qui ralentissaient à peine aux barrières, ouvertes à heures fixes. Tôt, le lundi matin, il arrivait qu’on pût distinguer à travers les glaces d’une auto le visage congestionné d’un financier. Quant à la maîtresse du Patron, on savait qu’elle était italienne et qu’elle avait une abondante chevelure rousse. Les journées chaudes de l’été, on entendait les cris et les rires des deux enfants adultérins qui jouaient dans le parc et ne sortaient jamais qu’en auto. Le personnel, de lan-