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DE PHILIPPE

de l’aile avant de tomber. Inconsciemment, il s’efforçait, il forçait son œil à les analyser, les détailler, ainsi que les vieux libidineux espèrent reprendre vigueur, en feuilletant des images obscènes. C’était en vain : Philippe était mort, mort. Plus de goût à ça. Il y avait des mois que cette lassitude se manifestait, et l’hypocrisie de Philippe en avait d’abord été heureuse. Sans trop le croire, il se disait : « Je suis noué, je suis incapable de désir, parce que je n’aime qu’une femme, Claire… » Il s’enorgueillissait et, tout de suite, il se mettait à écrire de longues lettres pâmées, qu’il mettait à la poste, deux par deux, l’une avec l’autre plutôt, soit qu’il n’eût qu’un timbre, soit que, sur le point de glisser l’enveloppe dans la boîte, l’inspiration lui vînt et qu’il voulût ajouter un post-scriptum de quinze pages.

Philippe était si fatigué qu’un instant il eut peur : « Si je n’allais pas me relever… » Un désir lui venait de se coucher vingt-quatre heures dans quelque garni, écrasé, assommé. Puis il avait peur de la dépression, il craignait cette angoisse qui le prendrait dans le lit et qui l’avait mis si souvent, pensait-il, aux portes de la folie. Cependant, un jour, n’avait-il pas eu cette volonté de résister, de résister des heures et des heures, de fermer les yeux, de s’abandonner, comme si son corps avait été couché dans l’eau et que sa tête aux yeux fermés eût seule émergé : il avait repoussé toutes