Page:Brunetière - L’Évolution des genres dans l’histoire de la littérature, 1906.djvu/202

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de relations, diverses et cachées, dépend l’autorité du jugement esthétique. L’esprit français a passé maintenant ses frontières ; il a en quelque sorte émigré, lui aussi ; et, de ses excursions à travers les littératures étrangères, il a rapporté ce que l’on rapporte aussi bien de toute espèce de voyages : un peu moins de confiance en lui-même ; une curiosité sympathique pour ce qui ne lui ressemble pas ; et la conviction plus ou moins raisonnée, mais certaine, qu’entre le goût français et le goût anglais, en tant qu’ils diffèrent, ce n’est pas un passage d’Aristote ou un vers de Boileau qui tranchera désormais le débat.

Enfin, et tandis que jusqu’alors on avait considéré l’œuvre littéraire en elle-même, comme détachée de ses origines, à la façon d’un fruit que l’on goûte sans s’inquiéter autrement de l’arbre qui l’a porté, ni comment on le cultive, ni sous quels cieux il a poussé ; Mme de Staël ne fait pas précisément encore de la littérature l’expression de la société, mais elle en entrevoit et elle essaye d’en déterminer le rapport avec les mœurs, avec les lois, avec la religion. Après la part de Voltaire et de Rousseau dans le livre de la Littérature, il se pourrait que ce fût ici celle de Montesquieu. Mœurs et lois, littérature et religion, toutes ces parties de la civilisation soutiennent entre elles des rapports, ne peuvent pas être séparées l’une de l’autre, sont liées par des dépendances qui les rendent en quelque sorte, pour parler la langue de l’algèbre, fonctions l’une de l’autre.

Notez que je n’examine point ici la doctrine, je l’expose. Je ne regarde même pas si cette idée, qui est bien l’idée génératrice du livre, se retrouve dans