Page:Bruno Destrée - Les Préraphaélites, 1894.djvu/40

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(Hélas ! nous deux, nous deux, dis-tu !
une fois, c’est vrai, tu fus avec moi,
cette fois, il y a si longtemps. Mais Dieu élèvera-t-il
à une unité sans fin
l’âme dont la seule ressemblance avec ton âme
était son amour pour toi ?)

« Nous deux, dit-elle, nous chercherons les bosquets
où est Madame Marie
avec ses cinq servantes, dont les noms
sont cinq douces symphonies,
Cécile, Gertrude, Madeleine,
Marguerite et Rosalie.

« En cercle elles sont assises, les cheveux serrés en bandeaux
et le front couronné ;
dans la belle toile blanche, comme une flamme
entremêlant le fil doré
pour faire les robes de naissance de ceux
qui par leur mort viennent de naître.

« Il craindra peut-être et restera muet ;
alors je poserai ma joue
contre la sienne, et conterai notre amour
sans honte et sans faiblesse ;
et la chère Mère approuvera ma fierté
et me laissera parler.

« Elle-même nous conduira, la main dans la main,
à celui autour duquel toutes les âmes
s’agenouillent, innombrables têtes clair-rangées,
inclinées avec leur auréole ;
Et nous rencontrant, les anges chanteront
sur leurs cithares et leur citoles.

« Alors je demanderai au Christ, notre Seigneur,
cette grande faveur pour lui et moi,
de pouvoir vivre seulement comme nous vécûmes jadis sur la terre,
dans l’amour, et d’être
pour toujours maintenant, ce que nous fûmes pour peu de temps,
ensemble lui et moi. »

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