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Son droit absolu d’agir ainsi est hors de conteste. L’Académie a une orthographe. Dans ses règles, dans ses exceptions, l’État qui enseigne, choisit la matière qu’il veut, il écarte le reste. Souverain juge, ici comme ailleurs, de ce qui convient à ses écoliers, à ses candidats, il dresse ses programmes. Qui pourrait lui interdire de le faire ?

Une demande de l’Académie, qui viendrait sommer le ministère de continuer à enseigner toute l’orthographe serait aussi exorbitante qu’une demande de la Société de Géographie voulant imposer au Ministre de mettre dans le programme du certificat d’études les découvertes récentes dans les environs du Tchad, ou, pour prendre une comparaison plus juste, elle ferait songer à une démarche de l’Académie des sciences prétendant contraindre les instituteurs et professeurs à ratiociner sur quelque doctrine surannée, par exemple à enseigner à fond la théorie de l’horreur du vide ou celle des quatre éléments.

En vain allèguerait-on que la « science » orthographique est indivisible. Elle ne l’est ni plus ni moins que toute autre branche des connaissances humaines. La pédagogie a droit d’y déterminer ce qui est indispensable, et de négliger le reste. Aucun corps, aucune tradition, aucune raison ne peut obliger l’école à s’embarrasser de tous les détails d’une technique, quelle qu’elle soit, et nul ne conteste que l’orthographe, avec ses subtilités, ne soit une technique, une des plus vaines sans doute, mais tout de même une des plus pénibles à apprendre, puisque l’expérience démontre qu’elle reste souvent étrangère à des gens qui s’y sont étudiés pendant douze ans.