Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/124

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les plantes poussés devant sa demeure et avait ainsi permis aux sables d’envahir le jardin du chapelain. Celui-ci se plaignit et éleva des palissades pour se protéger. L’Intendant lui donna tort et fit enlever les palissades.

Bien plus, un préjugé courait communément qui faisait regarder les sables comme absolument stériles et impropres à toute végétation. Nous verrons les rédacteurs des rapports et procès-verbaux relatifs aux premiers travaux de fixation des dunes, constater avec étonnement dans ces sables une fertilité qu’on ne leur soupçonnait pas.

Pendant la seconde moitié du xviiie siècle, on commença à s’inquiéter sérieusement des progrès des dunes et à rechercher les moyens de les arrêter. Toutefois leur fixation n’était pas le principal objectif des études et des entreprises d’alors ; elle n’arrivait qu’en seconde ligne d’un plan dont le but primordial était la mise en valeur des Landes par le défrichement et la canalisation.

C’est ce que l’on voit dans les deux intéressantes requêtes présentées au roi en 1773 et 1775 par M. Bocquet-Destournelles, avocat, au nom du comte de Montausier. L’une d’elles porte : « Sur la requête présentée au Roi en son conseil par Anne Marie André de Crussol, comte de Montausier, colonel-lieutenant du régiment d’Orléans infanterie, contenant que les avantages considérables que l’Etat et le public pourroi eut retirer des landes de Bordeaux, si elles étoient cultivées, font désirer depuis longtemps que l’on puisse parvenir à les dessécher et défricher. Ce pays immense produit des bois de toute espèce, des pignadas, des mines dont on retireroit la plus grande utilité par le moyen des débouchés : Bordeaux ne seroit plus obligé d’aller chercher en Hollande le goudron pour les vaisseaux; l’air deviendroit plus salubre ; une partie de ces cantons est aujourd’hui sujette à des fièvres longues et difficiles à déraciner et dont la cause, de l’aveu unanime, est dans les exhalaisons des marais; la terre cultivée augmenteroit la population et donneroit des prairies agréables et fécondes au lieu des marais. Les essais pratiqués par la Cie Neser et Billard font voir tout ce qu’on peut espérer s’ils étoient mieux suivis ; quelques familles établies il y a 4 ou 5 ans dans un des plus mauvais endroits de ces landes cultivent aujourd’hui des champs, des vignes, des jardins, des pépinières, des pignadas qui sont en très bon rapport. Les dunes ou montagnes de sable, qui appartiennent à sa Majesté, ainsi que les bords de la mer, ne produisent rien ; il seroit possible d’en tirer parti en faisant des plantations d’arbres à peu de distance de ces dunes et en semant sur leurs talus des graines abondantes en racines telles que le chiendent et autres graines de cette espèce. On auroit le double avantage d’arrêter par là les désastres causés par les sables que la mer dépose continuellement sur ses bords, et d’empêcher les dunes de se fendre, de s’affaisser et de s’étendre insensiblement dans les terres. Les ravages opérés par ce fléau ne sont malheureusement que trop réels. L’ancien