Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’église, et les guerres de religion bouleversent et ruinent Soulac comme le Médoc ; l’abbaye tombe en commende et de douze moines qu’elle contenait autrefois, il n’en reste plus que deux ou trois, encore négligent-ils leur église et leur monastère au point d’amener des réclamations de la part des habitants.

Au nord, à l’ouest et au sud de la ville, les terres sont affectées à diverses cultures et s’entremêlent de quelques petits bois ; mais la mer et les dunes les réduisent de plus en plus. Parmi les bois sis au nord de Soulac, citons la futaie de chênes de St -Nicolas de Grave, dont il sera question un peu plus loin, et le bois d’Esteort ou de Lestor. Ce dernier est un taillis de chênes irrégulier et très fourré, dans lequel les gens du pays prennent des harts, ce qui lui vaut son nom (du patois estor, lestor, hart, ramille qu’on tord pour en faire un lien). À l’est, dans la palu autrefois couverte par le fleuve, sont de nombreux marais salants et quelques pâturages.

La suzeraineté de ces territoires se divise entre l’abbé de Soulac et le sire de Lesparre. Mais la limite des deux juridictions est sinon ignorée, du moins souvent méconnue, et c’est une source de difficultés et de tracasseries sans fin entre les deux seigneurs. Chacun d’eux prétend restreindre l’autre.

Écoutons le baron de Lesparre :

« Auquel lieu est le bourg de Soulac, assis sur un recoin visant ladite grand mer, lequel est limité de 4 croix près dudit bourg.

» Duquel le vol d’un chapon entrerait toujours et de tous costés dans la terre de Lesparre. » (Le vol d’un chapon était une ancienne mesure locale valant environ 100m ; cela voudrait dire que Soulac était une enclave de 100m seulement de rayon dans la sirie, mais cela semble bien exagéré.)

« Ledit bourg estant et appartenant en titre de prieuré qui est depuis 1582 Monsieur d’Ax, dans lequel et non ailleurs, il a haute, moyenne et basse justice.

» Et tous les habitants d’icelle qui ont bien assis desdits environs et paroisses dudit Talais, sont, comme dit est, tenanciers de mesdits seigneur et dame, tant des salines et ailleurs.

» Lesdits habitants de Soulac prétendent avoir privilège de couper bois pour leur chauffage et mêmement pour leur four banal, qu’ils ne peuvent chauffer sans le prendre dans ladite terre de Lesparre, Et étant, comme dit est, si lointains se sont ainsi licenciés de dégrader lesdits bois et dépeupler ladite garenne de counils.

» Il y a la saline appelée les Places, possédée par Manaud, la saline de Guirauton de laquelle Comminge fermier a componu comme l’on dit à 250 livres — qu’ils ont tous laissés tomber en friche et depuis en pasturage pour raison dequoi il y a depuis procès contre les susdits. » (Inventaire).

Le sire de Lesparre prélève un droit sur les salines : « A et lient mondit seigneur au lieu de Soulac dedans ses terres et seigneurie