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propriétés en apparence plus complexes. Les matières albuminoïdes ont une instabilité telle qu’on n’a pu encore déterminer leur formule chimique.

Si nombreux et si différents que soient les corps organiques, ils ne sont formés, on le voit, que des mêmes corps simples qui entrent dans la composition des corps inorganiques ; ils ne se distinguent donc de ces derniers par aucun caractère primordial.

En résumé, par l’évolution d’un seul corps simple, l’éther, nous pouvons concevoir la genèse de tous les corps qui entrent dans la constitution de l’univers.



V

LA MATIÈRE VIVANTE ET LES ÊTRES VIVANTS. IDÉES DE BUFFON. IDÉES MODERNES.


Tous les corps dont nous venons de parler, depuis l’éther jusqu’aux matières albuminoïdes, ne possèdent que des propriétés d’ordre physique et chimique ; ils ne vivent pas. Mais il y a dans l’univers d’autres corps qui semblent être doués, en outre, de propriétés spéciales, auxquelles on donne l’épithète de biologiques. On dit de ces corps qu’ils sont vivants.

J’ai à peine besoin de rappeler que l’on a, de tout temps, établi entre ces deux sortes de corps un abîme si profond et si large que la plupart des philosophes et même des naturalistes l’ont considéré comme infranchissable.

Idées de Buffon. Voyons ce qu’en pensait Buffon. Le savant naturaliste réagit manifestement contre les idées répandues à son époque sur ce sujet. Il cherche les relations qui peuvent exister entre les êtres vivants et la matière brute. Il admet une sorte de matière intermédiaire formée de « molécules organiques et vivantes », indestructibles comme les molécules de la matière brute, s’associant à ces dernières pour comparer le corps des végétaux et des animaux, redevenant libres après la mort de ces êtres et servant à en constituer de nouveaux. Enfin, il considère la vie comme une propriété physique de la matière.

« Ces erreurs où l’on pouvait tomber, écrit-il[1], en comparant la forme des plantes à celle des animaux, ne porteront jamais que sur un petit nombre de sujets qui sont la mesure entre les deux ; et plus on fera d’observations plus on se convaincra qu’entre les animaux et les végétaux le Créateur n’a pas mis un terme fixe ; que ces deux genres d’êtres organisés ont beaucoup plus de propriétés communes que de différences réelles ;… qu’enfin le vivant et l’animé, au lieu d’être un degré métaphysique des êtres, est une propriété physique de la matière. »

  1. Comparaison des animaux et des végétaux, t. IV, p. 152.