Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/344

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est soumis à la puissance générale de la force attractive : celle-ci est d’ailleurs également répartie dans les substances organisées comme dans les matières brutes ; elle est toujours proportionnelle à la masse, toujours présente, sans cesse active ; elle peut travailler la matière dans les trois dimensions à la fois, dès qu’elle est aidée de la chaleur, parce qu’il n’y a pas un point qu’elle ne pénètre à tout instant, et que par conséquent la chaleur ne puisse étendre et développer dès qu’elle se trouve dans la proportion qu’exige l’état des matières sur lesquelles elle opère : ainsi par la combinaison de ces deux forces actives, la matière ductile, pénétrée et travaillée dans tous ses points, et par conséquent dans les trois dimensions à la fois, prend la forme d’un germe organisé qui bientôt deviendra vivant ou végétant par la continuité de son développement et de son extension proportionnelle en longueur, largeur et profondeur. »

En réalité, la seule différence que Buffon établisse entre les minéraux de sa troisième classe réside dans la proportion de « molécules organiques » qu’ils contiennent. C’est uniquement parce que les matières minérales de cette catégorie contiennent moins de « molécules organiques » que les corps vivants, qu’elles ne jouissent pas des mêmes propriétés que ces derniers. Si le minéral ne se reproduit pas de lui-même, c’est « parce qu’il n’a point de molécules organiques superflues qui puissent être renvoyées pour la reproduction »[1]. Si le minéral ne s’accroît que par juxtaposition (ce qui, disons-le en passant, n’est pas tout à fait exact), tandis que l’animal et le végétal se nourrissent et s’accroissent par intussusception, c’est parce que dans les minéraux le travail d’accroissement n’est accompli que « par un petit nombre de molécules organiques qui, se trouvant surchargées de la matière brute, ne peuvent en arranger que les parties superficielles, sans en pénétrer l’intérieur, pour en disposer le fond, et par conséquent sans pouvoir animer cette masse minérale d’une vie animale ou végétative »[2]. Mais la forme des minéraux, leur « figuration », pour me servir du terme employé par Buffon, est déterminée par les molécules organiques qu’ils renferment. « Les prismes du cristal, les rhombes des spaths calcaires, les cubes du sel marin, les aiguilles du nitre, etc., et toutes les figures anguleuses, régulières ou irrégulières des minéraux, sont tracées par le mouvement des molécules organiques, et particulièrement par les molécules qui proviennent du résidu des animaux et végétaux dans les matières calcaires, et dans celles de la couche universelle de terre végétale qui couvre la superficie du globe ; c’est donc à ces matières mêlées d’organique et de brut que l’on doit rapporter l’origine primitive des minéraux figurés.

» Ainsi toute décomposition, tout détriment de matière animale ou végétale, sert non seulement à la nutrition, au développement et à la reproduction

  1. Discours sur la figuration des minéraux, t. II, p. 469.
  2. Ibid., t. II, p. 469.