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sels minéraux suffisamment azotés. Ce végétal empruntant au sol, par ses racines, de l’eau et de l’azote, tandis que ses feuilles puiseront dans l’atmosphère de l’acide carbonique, il se produira dans ses cellules vertes une série de combinaisons de l’azote avec le carbone, l’oxygène et l’hydrogène, desquelles résultera finalement une matière vivante, le protoplasma végétal. Qu’un animal dévore la plante ainsi produite par la combinaison de matériaux purement inorganiques, et il y trouvera tous les éléments nécessaires à la formation des cellules, des tissus, des organes si multiples de son corps. Je ne veux pas m’attarder plus longtemps sur cette question, qui m’entraînerait beaucoup trop loin, si je voulais la traiter avec les détails qu’elle comporte ; je reviens à Buffon.

La deuxième question relative à la nutrition et au développement des êtres vivants qu’il a posée est la suivante : « Quelle peut être la puissance active qui fait que la matière organique pénètre le moule intérieur et se joint, ou plutôt s’incorpore intimement avec lui ? » La réponse qu’il y fait est très curieuse[1] : « Il paraît, par ce que nous avons dit dans le chapitre précédent, qu’il existe dans la nature, des forces, comme celle de la pesanteur, qui sont relatives à l’intérieur de la matière, et qui n’ont aucun rapport avec les qualités extérieures des corps, mais qui agissent sur les parties les plus intimes et qui les pénètrent dans tous les points ; ces forces, comme nous l’avons prouvé, ne pourront jamais tomber sous nos sens, parce que leur action se faisant sur l’intérieur des corps, et nos sens ne pouvant nous représenter que ce qui se fait à l’extérieur, elles ne sont pas du genre des choses que nous puissions apercevoir ; il faudrait pour cela que nos yeux, au lieu de nous représenter les surfaces, fussent organisés de façon à nous représenter les masses des corps, et que notre vue pût pénétrer dans leur structure et dans la composition intime de la matière ; il est donc évident que nous n’aurons jamais d’idée nette de ces forces pénétrantes, ni de la manière dont elles agissent ; mais en même temps il n’est pas moins certain qu’elles existent, que c’est par leur moyen que se produisent la plus grande partie des effets de la nature, et qu’on doit en particulier leur attribuer l’effet de la nutrition et du développement, puisque nous sommes assurés qu’il ne se peut faire qu’au moyen de la pénétration intime du moule intérieur ; car de la même façon que la force de la pesanteur pénètre à l’intérieur de toute matière, de même la force qui pousse ou qui attire les parties organiques de la nourriture pénètre aussi dans l’intérieur des corps organisés et les y fait entrer par son action ; et comme ces corps ont une certaine forme que nous avons appelée le moule intérieur, les parties organiques, poussées par l’action de la force pénétrante, ne peuvent y pénétrer que dans un certain ordre relatif à cette forme, ce qui, par conséquent, ne la peut pas chan-

  1. Buffon, t. IV, p. 170.