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point de parties superflues, il n’y en a point de renvoyées de chaque partie du corps, et par conséquent il n’y a encore aucune reproduction. »

Rien de plus simple, on le voit, que la théorie de Buffon en ce qui concerne la multiplication des organismes qui se reproduisent sans le secours des sexes. Des molécules organiques contenues dans les aliments s’incorporent par intussusception aux diverses parties de l’organisme, c’est la nutrition ; celles de ces molécules qui ne sont pas utilisées pour la nutrition, sont renvoyées dans « une ou plusieurs parties du corps où elles se rassemblent et se réunissent ; elles forment par leur réunion un ou plusieurs petits corps organisés entièrement semblables à celui dont elles font désormais partie, que ce soit un oignon ou un puceron ; lorsque ces petits corps organisés sont formés, il ne leur manque plus que les moyens de se développer, ce qui se fait dès qu’ils se trouvent à portée de la nourriture : les petits pucerons sortent du corps de leur père et la cherchent sur les feuilles des plantes ; on sépare de l’oignon son caïeu et il la trouve dans le sein de la terre[1]. »

Mais, ajoute Buffon, comment appliquerons-nous ce raisonnement à la génération de l’homme et des animaux qui ont des sexes, et pour laquelle il est nécessaire que deux individus concourent ?

À cette question, Buffon, prenant l’homme pour exemple, fait la curieuse réponse suivante[2] : « Je le prends (l’homme) dans l’enfance, et je conçois que le développement ou l’accroissement des différentes parties de son corps se faisant par la pénétration intime des molécules organiques analogues à chacune de ses parties, toutes ces molécules organiques sont absorbées dans le premier âge et entièrement employées au développement, que par conséquent il n’y en a que peu ou point de superflues, tant que le développement n’est pas achevé, et que c’est pour cela que les enfants sont incapables d’engendrer ; mais lorsque le corps a pris la plus grande partie de son accroissement, il commence à n’avoir plus besoin d’une aussi grande quantité de molécules organiques pour se développer ; le superflu de ces mêmes molécules organiques est donc renvoyé de chacune des parties du corps dans des réservoirs destinés à les recevoir ; ces réservoirs sont les testicules et les vésicules séminales : c’est alors que commence la puberté, dans le temps, comme on voit, où le développement du corps est à peu près achevé ; tout indique alors la surabondance de la nourriture, la voix change et grossit, la barbe commence à paraître, plusieurs autres parties du corps se couvrent de poil, celles qui sont destinées à la génération prennent un prompt accroissement, la liqueur séminale arrive et remplit les réservoirs qui lui sont préparés, et, lorsque la plénitude est trop grande, elle force, même sans aucune provocation et pendant le sommeil, la résistance des vaisseaux qui la contiennent pour se répandre au dehors ; tout annonce donc dans le mâle une

  1. Buffon, t. IV, p. 177.
  2. Ibid., t. IV, p. 178.