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variétés que nous remarquons dans les différents peuples de la terre. La première est l’influence du climat ; la seconde, qui tient beaucoup à la première, est la nourriture ; et la troisième, qui tient peut-être encore plus à la seconde, sont les mœurs. »

Buffon saisit toutes les occasions qui se présentent à lui de mettre en lumière les variations simultanées produites par le climat, la nourriture et les autres conditions de la vie, chez l’homme et chez les animaux. Il résume ces considérations, dans l’histoire du chat, de la façon suivante[1] : « On a vu dans l’histoire de chaque animal domestique combien l’éducation, l’abri, le soin, la main de l’homme, influent sur le naturel, sur les mœurs, et même sur la forme des animaux. On a vu que ces causes, jointes à l’influence du climat, modifient, altèrent et changent les espèces au point d’être différentes de ce qu’elles étaient originairement, et rendent les individus si différents entre eux, dans le même temps et dans la même espèce, qu’on aurait raison de les regarder comme des animaux différents, s’ils ne conservaient pas la faculté de produire ensemble des individus féconds, ce qui fait le caractère essentiel et unique de l’espèce. On a vu que les différentes races de ces animaux domestiques suivent dans les différents climats le même ordre à peu près que les races humaines ; qu’ils sont, comme les hommes, plus forts, plus grands et plus courageux dans les pays froids, plus civilisés, plus doux dans le climat tempéré, plus lâches, plus faibles et plus laids dans les climats trop chauds ; que c’est encore dans les climats tempérés et chez les peuples les plus policés que se trouvent la plus grande diversité, le plus grand mélange et les plus nombreuses variétés dans chaque espèce ; et, ce qui n’est pas moins digne de remarque, c’est qu’il y a dans les animaux plusieurs signes évidents de l’ancienneté de leur esclavage : les oreilles pendantes, les couleurs variées, les poils longs et fins, sont autant d’effets produits par le temps, ou plutôt par la longue durée de leur domesticité. Presque tous les animaux libres et sauvages ont les oreilles droites ; le sanglier les a droites et raides, le cochon domestique les a inclinées et demi-pendantes. Chez les Lapons, chez les sauvages de l’Amérique, chez les Hottentots, chez les nègres et les autres peuples non policés tous les chiens ont les oreilles droites ; au lieu qu’en Espagne, en France, en Angleterre, en Turquie, en Perse, à la Chine, et dans tous les pays civilisés, la plupart les ont molles et pendantes. Les chats domestiques n’ont pas les oreilles si raides que les chats sauvages, et l’on voit qu’à la Chine, qui est un empire très anciennement policé et où le climat est fort doux, il y a des chats domestiques à oreilles pendantes. C’est par cette même raison que la chèvre d’Angora, qui a les oreilles pendantes, doit être regardée, entre toutes les chèvres, comme celle qui s’éloigne le plus de l’état de nature : l’influence

  1. Buffon, t. VIII, p. 613.