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Causes des variations des espèces domestiques d’après Buffon. Il admet les mêmes causes de variation pour les animaux domestiques, mais il y joint le croisement et la sélection artificielle. C’est surtout à propos de cette dernière que se montre son puissant génie.

Nécessité des croisements pour améliorer les races. Dans vingt endroits il insiste sur l’utilité d’employer le croisement des races domestiques, pour produire des variétés possédant tel ou tel caractère profitable à l’homme. « Si l’on voulait, dit-il[1], relever la brebis pour la force et la taille, il faudrait unir le mouflon avec notre brebis flandrine et cesser de propager les races inférieures ; et si, comme chose plus utile, nous voulons dévouer cette espèce à ne nous donner que de la bonne chair et de la belle laine, il faudrait au moins, comme l’ont fait nos voisins, choisir et propager la race des brebis de Barbarie, qui, transportée en Espagne et même en Angleterre, a très bien réussi. La force du corps et la grandeur de la taille sont des attributs masculins ; l’embonpoint et la beauté de la peau sont des qualités féminines : il faudrait donc, dans le procédé des mélanges, observer cette différence, donner à nos béliers des femelles de Barbarie pour avoir de belles laines, et donner le mouflon à nos brebis pour en relever la taille. Il en serait à cet égard de nos chèvres comme de nos brebis ; on pourrait, en les mêlant avec la chèvre d’Angora, changer leur poil et le rendre aussi utile que la plus belle laine. »

Dans l’histoire du cheval, il insiste sur la nécessité de mélanger les races et les familles afin d’éviter la dégénération : « On peut croire, dit-il[2], que, par une expérience dont on a perdu toute mémoire, les hommes ont autrefois connu le mal qui résultait des alliances du même sang, puisque chez les nations les moins policées il a rarement été permis au frère d’épouser sa sœur : cet usage, qui est pour nous de droit divin, et qu’on ne rapporte chez les autres peuples qu’à des vues politiques, a peut-être été fondé sur l’observation ; la politique ne s’étend pas d’une manière si générale et si absolue, à moins qu’elle ne tienne au physique ; mais si les hommes ont une fois connu par expérience que leur race dégénérait toutes les fois qu’ils ont voulu la conserver sans mélange dans une même famille, ils auront regardé comme une loi de la nature celle de l’alliance avec des familles étrangères, et se seront tous accordés à ne pas souffrir de mélange entre leurs enfants. Et, en effet, l’analogie peut faire présumer que dans la plupart des climats les hommes dégénéreraient, comme les animaux, après un certain nombre de générations. »

Il pense, en effet, que si l’espèce humaine se montre dans les régions civilisées relativement plus semblable à elle-même que les espèces animales, et que si elle supporte mieux les différents climats, cela tient aux fréquents mélanges qui se font entre les races. « Comme il y a eu, dit-il[3], de fré-

  1. Buffon, t. IV, p. 474.
  2. T. VIII, p. 500.
  3. Ibid., p. 500.