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ADDITIONS ET CORRECTIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE :
SUR LES COQUILLAGES ET AUTRES PRODUCTIONS MARINES QU’ON TROUVE DANS L’INTÉRIEUR DE LA TERRE.



I. — Des coquilles fossiles et pétrifiées.

Sur ce que j’ai écrit au sujet de la Lettre italienne, dans laquelle il est dit que « ce sont les pèlerins et autres qui, dans le temps des croisades, ont rapporté de Syrie les coquilles que nous trouvons dans le sein de la terre en France, etc. », on a pu trouver, comme je le trouve moi-même, que je n’ai pas traité M. de Voltaire assez sérieusement : j’avoue que j’aurais mieux fait de laisser tomber cette opinion que de la relever par une plaisanterie, d’autant que ce n’est pas mon ton, et que c’est peut-être la seule qui soit dans mes écrits. M. de Voltaire est un homme qui, par la supériorité de ses talents, mérite les plus grands égards. On m’apporta cette lettre italienne dans le temps même que je corrigeais la feuille de mon livre où il en est question ; je ne lus cette lettre qu’en partie, imaginant que c’était l’ouvrage de quelque érudit d’Italie qui, d’après ses connaissances historiques, n’avait suivi que son préjugé, sans consulter la nature ; et ce ne fut qu’après l’impression de mon volume sur la Théorie de la Terre, qu’on m’assura que la lettre était de M. de Voltaire : j’eus regret alors de mes expressions. Voilà la vérité ; je la déclare autant pour M. de Voltaire que pour moi-même et pour la postérité, à laquelle je ne voudrais pas laisser douter de la haute estime que j’ai toujours eue pour un homme aussi rare et qui fait tant d’honneur à son siècle.

L’autorité de M. de Voltaire ayant fait impression sur quelques personnes, il s’en est trouvé qui ont voulu vérifier par elles-mêmes si les objections contre les coquilles avaient quelque fondement, et je crois devoir donner ici l’extrait d’un mémoire qui m’a été envoyé et qui me paraît n’avoir été fait que dans cette vue.

En parcourant différentes provinces du royaume et même de l’Italie, « j’ai vu, dit le P. Chabenat, des pierres figurées de toutes parts, et dans certains endroits en si grande quantité, et arrangées de façon qu’on ne peut s’empêcher de croire que ces parties de la terre n’aient autrefois été le lit de la mer. J’ai vu des coquillages de toute espèce, et qui sont parfaitement semblables à leurs analogues vivants. J’en ai vu de la même figure et de la même grandeur : cette observation m’a paru suffisante pour me persuader que tous ces individus étaient de différents âges, mais qu’ils étaient de la même espèce. J’ai vu des cornes d’ammon depuis un demi-pouce jusqu’à près de trois pieds de diamètre. J’ai vu des pétoncles de toutes grandeurs, d’autres bivalves et des univalves également. J’ai vu outre cela des bélemnites, des champignons de mer, etc.

» La forme et la quantité de toutes ces pierres figurées nous prouvent presque invinciblement qu’elles étaient autrefois des animaux qui vivaient dans la mer. La coquille surtout dont elles sont couvertes semble ne laisser aucun doute, parce que, dans certaines, elle se trouve aussi luisante, aussi fraîche et aussi naturelle que dans les vivants ; si elle était séparée du noyau, on ne croirait pas qu’elle fût pétrifiée. Il n’en est pas de même de plusieurs autres pierres figurées que l’on trouve dans cette vaste et belle plaine qui s’étend depuis Montauban jusqu’à Toulouse, depuis Toulouse jusqu’à Alby et dans les endroits circonvoisins : toute cette vaste plaine est couverte de terre végétale depuis l’épaisseur d’un demi-pied jusqu’à deux ; ensuite on trouve un lit de gros gravier, de la profondeur d’environ deux pieds ; au-dessous du lit de gros gravier est un lit de sable