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Le diamètre du globe de Saturne étant à celui de la terre : : 9 1/2 : 1, il s’ensuit que malgré son grand éloignement du soleil il est encore bien plus chaud que la terre, car abstraction faite de cette légère différence, causée par la moindre chaleur qu’il reçoit du soleil, il se trouve qu’il aurait dû se consolider jusqu’au centre en 27 597 ans 1/2, se refroidir au point de pouvoir le toucher en 322 154 ans 1/2, et arriver à celui de la température actuelle en 703 446 1/2, s’il était composé d’une matière semblable à celle du globe terrestre ; mais sa densité n’étant à celle de la terre que : : 184 : 1 000, il faut diminuer dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Saturne se sera consolidé jusqu’au centre en 5 078 ans environ, refroidi au point de pouvoir le toucher en 59 276 ans environ, et enfin, à la température actuelle, en 129 434 ans ; en sorte que ce ne sera que dans 55 387 ans que Saturne sera refroidi au même point de température qu’est actuellement la terre, abstraction faite non seulement de la chaleur du soleil, mais encore de celle qu’il a dû recevoir de ses satellites et de son anneau.

De même, le diamètre de Jupiter étant onze fois plus grand que celui de la terre, il s’ensuit qu’il est encore bien plus chaud que Saturne, parce que d’une part il est plus gros, et que d’autre part il est moins éloigné du soleil ; mais en ne considérant que sa chaleur propre, on voit qu’il n’aurait dû se consolider jusqu’au centre qu’en 31 955 ans, ne se refroidir au point de pouvoir le toucher qu’en 373 021 ans, et n’arriver à celui de la température de la terre qu’en 814 514 ans, s’il était composé d’une matière semblable à celle du globe terrestre ; mais sa densité n’étant à celle de la terre que : : 492 : 1 000, il faut diminuer dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Jupiter se sera consolidé jusqu’au centre en 9 331 ans 1/2 environ, refroidi au point de pouvoir le toucher en 108 922 ans, et enfin, à la température actuelle, en 237 838 ans ; en sorte que ce ne sera que dans 163 791 ans que Jupiter sera refroidi au même point de température qu’est actuellement la terre, abstraction faite de la compensation, tant par la chaleur du soleil, que par la chaleur de ses satellites.

Ces deux planètes, Jupiter et Saturne, quoique les plus éloignées du soleil, doivent donc être beaucoup plus chaudes que la terre, qui néanmoins, à l’exception de Vénus, est de toutes les autres planètes celle qui est actuellement la moins froide. Mais les satellites de ces deux grosses planètes auront, comme la lune, perdu leur chaleur propre en beaucoup moins de temps, et dans la proportion de leur diamètre et de leur densité : il y a seulement une double compensation à faire sur cette perte de la chaleur intérieure des satellites, d’abord par celle du soleil, et ensuite par la chaleur de la planète principale, qui a dû, surtout dans le commencement et encore aujourd’hui, se porter sur ces satellites, et les réchauffer à l’extérieur beaucoup plus que celle du soleil.

Dans la supposition que toutes les planètes aient été formées de la matière du soleil, et projetées hors de cet astre dans le même temps, on peut prononcer sur l’époque de leur formation par le temps qui s’est écoulé pour leur refroidissement. Ainsi la terre existe, comme les autres planètes, sous une forme solide et consistante à la surface, au moins depuis 74 047 ans, puisque nous avons démontré qu’il faut ce même temps pour refroidir, au point de la température actuelle, un globe en incandescence qui serait de la même grosseur que le globe terrestre[1], et composé des mêmes matières. Et comme la déperdition de la chaleur, de quelque degré qu’elle soit, se fait en même raison que l’écoulement du temps, on ne peut guère douter que cette chaleur de la terre ne fût double, il y a 37 023 ans 1/2, de ce qu’elle est aujourd’hui, et qu’elle n’ait été triple, quadruple, centuple, etc., dans des temps plus reculés, à mesure qu’on se rapproche de la date de l’état primitif de l’incandescence générale. Sur les 74 047 ans, il s’est, comme nous l’avons dit, écoulé 2 905 ans avant que la masse entière de notre globe fût consolidée jusqu’au centre ;

  1. Voyez le huitième Mémoire de la Partie expérimentale.