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comme 5 2/3, 9, 14 1/2, 25 1/4, et leur grandeur n’étant pas encore bien déterminée, nous supposerons, d’après l’analogie dont nous venons de parler, que le plus voisin ou le premier n’est que de la grandeur de la lune, le second de celle de Mercure, le troisième de la grandeur de Mars, et le quatrième de celle du globe de la terre, et nous allons rechercher combien le bénéfice de la chaleur de Jupiter a compensé la perte de leur chaleur propre.

Pour cela nous regarderons comme égale la chaleur envoyée par le soleil à Jupiter et à ses satellites, parce qu’en effet leurs distances à cet astre de feu sont à très peu près les mêmes. Nous supposerons aussi comme chose très plausible que la densité des satellites de Jupiter est égale à celle de Jupiter même[1].

Cela posé, nous verrons que le premier satellite grand comme la lune, c’est-à-dire qui n’a que 3/11 du diamètre de la terre, se serait consolidé jusqu’au centre en 792 ans 3/11, refroidi au point de pouvoir le toucher en 9 248 ans 5/11, et au point de la température actuelle de la terre en 20 194 ans 7/11, si la densité de ce satellite n’était pas différente de celle de la terre, mais comme la densité du globe terrestre est à celle de Jupiter ou de ses satellites : : 1 000 : 292, il s’ensuit que le temps employé à la consolidation jusqu’au centre et au refroidissement doit être diminué dans la même raison ; en sorte que ce satellite se sera consolidé en 231 ans 43/125, refroidi au point d’en pouvoir toucher la surface en 2 690 ans 2/5, et qu’enfin il aurait perdu assez de sa chaleur propre pour être refroidi à la température actuelle de la terre, en 5 897 ans, si rien n’eût compensé cette perte de sa chaleur propre. Il est vrai qu’à cause du grand éloignement du soleil, la chaleur envoyée par cet astre sur les satellites ne pourrait faire qu’une très légère compensation, telle que nous l’avons vu sur Jupiter même. Mais la chaleur que Jupiter envoyait à ses satellites était prodigieusement grande, surtout dans les premiers temps, et il est très nécessaire d’en faire ici l’évaluation.

Commençant par celle du soleil, nous verrons que cette chaleur envoyée du soleil étant en raison inverse du carré des distances, la compensation qu’elle a faite dans le temps de l’incandescence n’était que 25/676/1250, et qu’à la fin de la première période de 5 897 ans, cette compensation n’était que 25/676/50. Ajoutant ces deux termes 25/676/1250 et 25/676/50 du premier et du dernier temps de cette première période de 5 897 ans, on aura 650/676/1250, qui, multipliés par 12 1/2, moitié de la somme de tous les termes, donnent 8125/676/1250 ou 12 13/676/1250 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur du soleil pendant cette première période. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation totale en même raison que le temps de la période est à celui du prolongement du refroidissement, on aura 25 : 12 13/676/1250 : : 5 897 : 2 4/15. Ainsi, le prolongement du refroidissement de ce satellite par la chaleur du soleil, pendant cette première période de 5 897 ans, n’a été que de deux ans quatre-vingt-dix-sept jours.

Mais la chaleur de Jupiter, qui était 25 dans le temps de l’incandescence, n’avait diminué, au bout de la période de 5 897 ans, que de 14/23 environ, et elle était encore alors 24 9/23 ; et comme ce satellite n’est éloigné de sa planète principale que de 5 2/3 demi-diamètres de Jupiter, ou de 62 1/2 demi-diamètres terrestres, c’est-à-dire de 89 292 lieues, tandis que sa distance au soleil est de 171 millions 600 mille lieues, la chaleur envoyée par le soleil à ce même satellite, comme le carré de 171 609 000 est au carré de 89 292, si la

  1. Quand même on se refuserait à cette supposition de l’égalité de densité dans Jupiter et de ses satellites, cela ne changerait rien à ma théorie, et les résultats du calcul seraient seulement un peu différents, mais le calcul lui-même ne serait pas plus difficile à faire.