Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

3o Que la nature est prête à s’éteindre dans le quatrième satellite de Saturne, puisqu’il n’y a plus que 1 693 ans pour arriver au point extrême de la plus petite chaleur nécessaire au maintien des êtres organisés ;

4o Que la nature vivante est faible dans le quatrième satellite de Jupiter, quoiqu’elle puisse y subsister encore pendant 23 mille 864 ans ;

5o Que sur la planète de Mercure, sur la terre, sur le troisième, sur le second et sur le premier satellite de Saturne, sur la planète de Vénus, sur l’anneau de Saturne, sur le troisième satellite de Jupiter, sur la planète de Saturne, sur le second et sur le premier satellite de Jupiter, la nature vivante est actuellement en pleine existence, et que par conséquent tous ces corps planétaires peuvent être peuplés comme le globe terrestre.

Voilà mon résultat général et le but auquel je me proposais d’atteindre. On jugera, par la peine que m’ont donnée ces recherches[1], et par le grand nombre d’expériences préliminaires qu’elles exigeaient, combien je dois être persuadé de la probabilité de mon hypothèse sur la formation des planètes. Et pour qu’on ne me croie pas persuadé sans raison, et même sans de très fortes raisons, je vais exposer dans le Mémoire suivant les motifs de ma persuasion, en présentant les faits et les analogies sur lesquelles j’ai fondé mes opinions, établi l’ordre de mes raisonnements, suivi les inductions que l’on en doit déduire, et enfin tiré la conséquence générale de l’existence réelle des êtres organisés et sensibles dans tous les corps du système solaire, et l’existence plus que probable de ces mêmes êtres dans tous les autres corps qui composent les systèmes des autres soleils, ce qui augmente et multiplie presque à l’infini l’étendue de la nature vivante, et élève en même temps le plus grand de tous les monuments à la gloire du Créateur.





SECOND MÉMOIRE

FONDEMENTS DES RECHERCHES PRÉCÉDENTES SUR LA TEMPÉRATURE DES PLANÈTES.



L’homme nouveau n’a pu voir, et l’homme ignorant ne voit encore aujourd’hui la nature et l’étendue de l’univers que par le simple rapport de ses yeux : la terre est pour lui un solide d’un volume sans bornes, d’une étendue sans limites, dont il ne peut qu’avec peine parcourir de petits espaces superficiels, tandis que le soleil, les planètes et l’immensité des cieux ne lui présentent que des points lumineux dont le soleil et la lune lui paraissent être les seuls objets dignes de fixer ses regards. À cette fausse idée sur l’étendue de la nature et sur les proportions de l’univers s’est bientôt joint le sentiment encore plus disproportionné de la prétention. L’homme, en se comparant aux autres êtres terrestres, s’est trouvé le premier : dès lors il a cru que tous étaient faits pour lui,

  1. Les calculs que supposaient ces recherches sont plus longs que difficiles, mais assez délicats pour qu’on puisse se tromper. Je ne me suis pas piqué d’une exactitude rigoureuse, parce qu’elle n’aurait produit que de légères différences, et qu’elle m’aurait pris beaucoup de temps que je pouvais mieux employer. Il m’a suffi que la méthode que j’ai suivie fût exacte, et que mes raisonnements fussent clairs et conséquents, c’est là tout ce que j’ai prétendu. Mon hypothèse sur la liquéfaction de la terre et des planètes, m’a paru assez fondée pour prendre la peine d’en évaluer les effets, et j’ai cru devoir donner en détail ces évaluations, comme je les ai trouvées, afin que s’il s’est glissé dans ce long travail quelques fautes de calcul ou d’inattention, mes lecteurs soient en état de les corriger eux-mêmes.