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Il en est de même du quatrième fait : on ne peut pas douter, après les preuves démonstratives que nous en avons données dans plusieurs articles de notre Théorie de la terre[1], que les matières dont le globe est composé ne soient de la nature du verre : le fond des minéraux, des végétaux et des animaux n’est qu’une matière vitrescible : car tous leurs résidus, tous leurs détriments ultérieurs peuvent se réduire en verre. Les matières que les chimistes ont appelées réfractaires, et celles qu’ils regardent comme infusibles parce qu’elles résistent au feu de leurs fourneaux sans se réduire en verre, peuvent néanmoins s’y réduire par l’action d’un feu plus violent. Ainsi toutes les matières qui composent le globe de la terre, du moins toutes celles qui nous sont connues, ont le verre pour base de leur substance[2], et nous pouvons, en leur faisant subir la grande action du feu, les réduire toutes ultérieurement à leur premier état.

La liquéfaction primitive de la masse entière de la terre par le feu est donc prouvée dans toute la rigueur qu’exige la plus stricte logique : d’abord, à priori, par le premier fait de son élévation sur l’équateur, et de son abaissement sous les pôles ; 2o  ab actu, par le second et le troisième fait de la chaleur intérieure de la terre encore subsistante ; 3o  à posteriori, par le quatrième fait, qui nous démontre le produit de cette action du feu, c’est-à-dire le verre dans toutes les substances terrestres[NdÉ 1].

Mais quoique les matières qui composent le globe de la terre aient été primitivement de la nature du verre et qu’on puisse aussi les y réduire ultérieurement, on doit cependant les distinguer et les séparer, relativement aux différents états où elles se trouvent avant ce retour à leur première nature, c’est-à-dire avant leur réduction en verre par le moyen du feu. Cette considération est d’autant plus nécessaire ici, que seule elle peut nous indiquer en quoi diffère la formation de ces matières. On doit donc les diviser d’abord en matières vitrescibles[NdÉ 2] et en matières calcinables : les premières n’éprouvant aucune action de la part du feu, à moins qu’il ne soit porté à un degré de force capable de les convertir en verre ; les autres, au contraire, éprouvant à un degré bien inférieur une action qui les réduit en chaux. La quantité des substances calcaires, quoique fort considérable sur la terre, est néanmoins très petite en comparaison de la quantité des matières vitrescibles. Le cinquième fait que nous avons mis en avant prouve que leur for-

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  2. Voyez ibidem.
  1. Voyez mon Introduction pour la discussion de cette idée.
  2. C’est-à-dire, comme l’indique plus bas Buffon, qui sont directement fondues par le feu. Il importe que le lecteur ne perde pas de vue, dans la lecture de toute l’œuvre de Buffon, la signification exacte des mots qui reviennent si souvent sur la plume du grand naturaliste, « verre » et « matières vitrescibles », mots qui répondent à « matières fondues » et « matières fusibles » ; ainsi interprétés, ces mots expriment une idée exacte.