Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuit venant, de les abandonner ; mais nous avions très bien distingué les couleurs de ces jeunes animaux, et leur mère qui était avec eux.

» Le 7, nous fûmes informés que les loups avaient été vus à Jongy, que le concierge de M. de Pange en avait tué un, que le garde-chasse en avait blessé un autre, et tiré sur le noir de fort près, et paraissait l’avoir manqué ; il les vit aller de là à l’endroit où ils étaient nés. Les chasseurs se rassemblèrent et allèrent, trois jours après, les y relancer. La mère louve fut vue la première et tirée par mon fils ; n’étant pas restée à son coup, elle fut suivie de près par les chiens, et vue de presque tous les chasseurs dans la plaine, et ils n’y remarquèrent rien de différent des louves ordinaires… Ensuite on tua dans le bois un de ses louveteaux qui était entièrement roux, avec le poil plus court et les oreilles plus longues que ne les ont les loups ; le bout des oreilles était un peu replié en dedans, et quelque chose dans l’ensemble plus approchant de la figure d’un mâtin allongé que de celle d’un loup. Un autre de ces louveteaux ayant été blessé à mort, il cria sur le coup précisément comme crie un chien qu’on vient de frapper. Le garde-chasse qui l’avait tiré fut même effrayé de la couleur et du cri de ce louveteau, par la crainte qu’il avait d’avoir tué un des chiens de la meute qui était de même poil ; mais en le poursuivant il fut bientôt détrompé, et le reconnut pour être un louveteau ; cependant il ne put pas le saisir, car cet animal blessé se fourra dans un terrier où il a été perdu.

» Le garde-chasse de M. Loison, qui a coutume de tendre des pièges, trouva, en les visitant, un de ces louveteaux saisi par la jambe, et il le prit pour un chien ; quelques autres hommes qui étaient avec lui en jugèrent de même, en sorte qu’après l’avoir tué ils le laissèrent sur la place, ne croyant pas que ce fût un louveteau, mais persuadé que c’était un chien… Nous envoyâmes chercher ce prétendu chien qu’ils venaient de tuer, et nous reconnûmes que c’était un louveteau entièrement semblable aux autres, à l’exception que son poil était en partie roux et en partie gris : la queue, les oreilles, la mâchoire, le chignon étaient bien décidément du loup.

» Enfin, quelques jours après, on trouva le reste de cette troupe de louveteaux dans un bois, à une lieue de Châlons ; on en tua un qui était roux, et pareil à celui dont j’ai envoyé la peau au Cabinet du Roi.

» Enfin, le 18 novembre 1776, M. Loisson tua deux de ces louveteaux à quelque distance de son château, et ce sont les deux dont j’ai envoyé les peaux ; l’un était roux et l’autre noir, le premier mâle et le second femelle, qui était plus petite et courait plus légèrement que le mâle. »

D’après les faits qui viennent d’être exposés, il y a quelque apparence que ces louveteaux pouvaient provenir de l’union d’un chien avec la louve, puisqu’ils avaient tant de ressemblance avec le chien qu’un grand nombre de chasseurs les ont pris pour des chiens.