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ANIMAUX DU NOUVEAU MONDE


Les animaux du nouveau monde étaient aussi inconnus pour les Européens que nos animaux l’étaient pour les Américains. Les seuls peuples à demi civilisés de ce nouveau continent étaient les Péruviens et les Mexicains : ceux-ci n’avaient point d’animaux domestiques ; les seuls Péruviens avaient du bétail de deux espèces, le lama et le pacos, et un petit animal qu’ils appelaient alco, qui était domestique dans la maison, comme le sont nos petits chiens. Le pacos et le lama, que Fernandès appelle peruich-catl[1], c’est-à-dire, en anglais, bétail péruvien, affectent, comme le chamois, une situation particulière. Ils ne se trouvent que dans les montagnes du Pérou, du Chili et de la Nouvelle-Espagne ; quoiqu’ils fussent devenus domestiques chez les Péruviens, et que par conséquent les hommes aient favorisé leur multiplication et les aient transportés ou conduits dans les contrées voisines, ils ne se sont propagés nulle part ; ils ont même diminué dans leur pays natal, où l’espèce en est actuellement moins nombreuse qu’elle ne l’était avant qu’on y eût transporté le bétail d’Europe, qui a très bien réussi dans toutes les contrées méridionales de ce continent.

Si l’on y réfléchit, il paraîtra singulier que dans un monde presque tout composé de naturels sauvages, dont les mœurs approchaient beaucoup plus que les nôtres de celles des bêtes, il n’y eût aucune société, ni même aucune habitude entre ces hommes sauvages et les animaux qui les environnaient, puisque l’on n’a trouvé des animaux domestiques que chez les peuples déjà civilisés : cela ne prouve-t-il pas que l’homme, dans l’état de sauvage, n’est qu’une espèce d’animal incapable de commander aux autres, et qui, n’ayant comme eux que ses facultés individuelles, s’en sert de même pour chercher sa subsistance et pourvoir à sa sûreté en attaquant les faibles, en évitant les forts, et sans avoir aucune idée de sa puissance réelle et de sa supériorité de nature sur tous ces êtres, qu’il ne cherche point à se subordonner ? En jetant un coup d’œil sur tous les peuples entièrement, ou même à demi policés, nous trouverons partout des animaux domestiques : chez nous, le cheval, l’âne, le bœuf, la brebis, la chèvre, le cochon, le chien et le chat ; le buffle

  1. Peruich-catl. Fernandès, Hist. nov. Hisp., p. 11. — Camelus Peruanus glama dictus. Ray, Synops. quadrup., p. 145. — Camelus, seu camelo-congener Peruvianum, lanigerum, pacos dictum. Idem, ibid., p. 147.