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MANIÈRE D’ÉTUDIER

nelle est elle-même une science mathématique et abstraite, de laquelle la mécanique pratique, ou l’art de faire et de composer les machines, n’emprunte qu’un seul principe par lequel on peut juger tous les effets en faisant abstraction des frottements et des autres qualités physiques. Aussi m’a-t-il toujours paru qu’il y avoit une espèce d’abus dans la manière dont on professe la physique expérimentale, l’objet de cette science n’étant point du tout celui qu’on lui prête. La démonstration des effets mécaniques, comme de la puissance des leviers, des poulies, de l’équilibre des solides et des fluides, de l’effet des plans inclinés, de celui des forces centrifuges, etc., appartenant entièrement aux mathématiques, et pouvant être saisie par les yeux de l’esprit avec la dernière évidence, il me paroît superflu de la représenter à ceux du corps : le vrai but est, au contraire, de faire des expériences sur toutes les choses que nous ne pouvons pas mesurer par le calcul, sur tous les effets dont nous ne connoissons pas encore les causes, et sur toutes les propriétés dont nous ignorons les circonstances ; cela seul peut nous conduire à de nouvelles découvertes, au lieu que la démonstration des effets mathématiques ne nous apprendra jamais que ce que nous savons déjà.

Mais cet abus n’est rien en comparaison des inconvénients où l’on tombe lorsqu’on veut appliquer la géométrie et le calcul à des objets dont nous ne connoissons pas assez les propriétés pour pouvoir les mesurer : ou est obligé dans tous ces cas de faire des suppositions toujours contraires à la nature, de dépouiller le sujet de la plupart de ses qualités, d’en faire un être abstrait qui ne ressemble plus à l’être réel ; et