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THÉORIE DE LA TERRE.

croûte n’auroit, par exemple, que deux ou trois lieues d’épaisseur, il en résulteroit, 1o que les montagnes seroient dans ce cas des parties si considérables de l’épaisseur totale de la croûte, qu’il y auroit une grande irrégularité dans les mouvements de la terre par l’attraction de la lune et du soleil ; car quand les parties les plus élevées du globe, comme les Cordilières, auroient la lune au méridien, l’attraction seroit beaucoup plus forte sur le globe entier que quand les parties les plus basses auroient de même cet astre au méridien ; 2o l’attraction des montagnes seroit beaucoup plus considérable qu’elle ne l’est en comparaison de l’attraction totale du globe, et les expériences faites à la montagne de Chimboraço au Pérou donneroient dans ce cas plus de degrés qu’elles n’ont donné de secondes pour la déviation du fil à plomb ; 3o la pesanteur des corps seroit plus grande au dessus d’une haute montagne, comme le pic de Ténériffe, qu’au niveau de la mer, en sorte qu’on se sentiroit considérablement plus pesant et qu’on marcheroit plus difficilement dans les lieux élevés que dans les lieux bas. Ces considérations, et quelques autres qu’on pourroit y ajouter, doivent nous faire croire que l’intérieur du globe n’est pas vide, et qu’il est rempli d’une matière assez dense.

D’autre côté, si au dessous de deux ou trois lieues la terre étoit remplie d’une matière beaucoup plus dense qu’aucune des matières que nous connoissons, il arriveroit nécessairement que toutes les fois qu’on descendroit à des profondeurs même médiocres, on pèseroit sensiblement beaucoup plus, les pendules s’accélèreroient beaucoup plus qu’ils ne s’accélèrent