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qui est inutile, ou « membre pour » qui est du mauvais anglais,.

Voici maintenant un mot que l’on emploie comme dans l’anglais, d’une façon très générale, alors qu’il n’a qu’une application très limitée en français. C’est le mot « trouble. »

Ainsi, l’on dira toujours des « troubles, » pour des désordres, des rixes, des émeutes. On dira surtout, pour exprimer qu’on a eu bien du mal, bien de la peine, à faire une chose, qu’on a eu beaucoup de trouble, ou bien qu’un tel a donné beaucoup de trouble avec son… n’importe quoi. Or cette expression, ainsi généralisée, est essentiellement anglaise : raison de plus pour s’en servir en canadien,

À voir l’emploi si fréquent de ce mot, on se croirait au milieu de gens qui sont constamment troublés. « Ah ! c’est beaucoup trop de trouble, monsieur : — Je vais vous troubler (I shall trouble you for…) pour le sucre, pour le pain, pour les confitures…… »

Mais ce que j’ai vu de plus fort jusqu’à présent en fait de trouble, c’est « économiser son trouble » pour s’épargner de la besogne. Économiser du trouble ! Voilà certes le dernier mot de la parcimonie. D’ordinaire, dans les ménages modestes, on se contente d’économiser le charbon ; si l’on va jusqu’à supprimer le trouble, on arrivera du coup à l’âge d’or des locataires.