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avons pas d’imminentes en Amérique, mais il y en a tout de même une qui gronde sourdement au fond de toutes les consciences patriotiques, dans l’esprit de tous ceux qui ont à cœur le maintien, l’intégrité et l’honneur de notre belle langue que le journalisme moderne est en train de rendre absolument méconnaissable, détestable, ridicule, grossière et saugrenue. Sans attendre le printemps, nous allons entreprendre tout de suite la guerre contre les anglicismes et les énormités qui s’étalent avec l’insolence du droit de propriété dans les troisième et quatrième pages de nos journaux.

Ah ! ça n’est pas une tâche aisée que celle-là. Il faut avoir le tempérament d’un apôtre, le zèle et l’amour du prochain d’un missionnaire, et jusqu’aux enthousiasmes téméraires d’un réformateur pour entreprendre de remonter un courant aussi irrésistible que celui qui nous entraîne vers l’anglo-gallo-canadianisme, c’est-à-dire, une composition parlée que n’auraient jamais comprise nos pères, et que certainement ne comprendront pas mieux nos fils ; car, du train que nous y allons, il ne restera pas, dans cinquante ans, mille mots de tous ceux que nous employons, aujourd’hui ; et le reste aura été se perdre dans quelque nouveau mélange où l’anglais et le français, aujourd’hui encore reconnaissables entre eux, se seront étroitement fusionnés ou plutôt confondus ensemble, avec cinq à six autres idiômes venus là pour augmenter encore la confusion.