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LE CURÉ LABELLE

était le gouvernement ; c’était le père, le roi, la puissance visible, toujours bienfaisante et protectrice, qui renfermait tout pour les colons du large domaine qu’il avait apporté à notre province. Aussi, lorsqu’il paraissait au milieu d’eux ou lorsque son passage était annoncé d’avance, quelle fête et quelle réjouissance pour tous !

Je le vis et l’entendis une fois entre autres à son passage à l’Annonciation, paroisse tout nouvellement ouverte, le long de la rivière Rouge, à vingt-trois lieues en arrière de Montréal. Tous les colons et leurs femmes et leurs enfants étaient accourus des défrichements les plus lointains pour entendre le « curé, leur curé, le curé du nord, » depuis Saint-Jérôme jusqu’aux dernières montagnes.

Il avait incarné en lui tout ce petit peuple, pauvre, dénué, et le faisait vivre à force de renouveler ses espérances. Dans ces dernières années, sa vigueur affaiblie ne lui permettait plus ses longues courses d’autrefois, mais on le sentait là et par suite on se sentait protégé. S’il n’allait plus guère en plein cœur des défrichements nouveaux, en pleine solitude des forêts attaquées seulement de la veille, on le savait au département de l’Agriculture où il faisait à sa