Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/106

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épaisse que vingt bouches se renvoient à l’envi, on songe au night cap, dernier degré de la perfection humaine.

Heureux les maris que leurs femmes font rentrer de bonne heure ! heureux les fiancés qui ménagent leur jeunesse ! heureux les amoureux qui fuient l’étourdissement et le tumulte fumeux des buvettes ! Ils se lèveront le lendemain sains et dispos, ils n’auront pas mal à la racine des cheveux, et ils trouveront au milieu de leurs pressantes occupations cinq minutes pour lire la chronique du Pays, ce qui leur vaudra bien des expiations.

Québec a eu enfin ses régates. C’était là la grande affaire. Sans doute ; comment pourrait-on vivre sans régates ? Et qu’est-ce que les journaux auraient donc, sans elles, pour remplir leurs colonnes, dans ce temps d’insignifiance et de monotonie ? Ce n’est pas que je veuille déprécier ce salutaire et gracieux exercice de la rame, ces exercices du corps qui font des Canadiens les imitateurs et presque les émules des anciens Grecs, mais en voyant l’enthousiasme, la frénésie, dirai-je bien, qui fait courir toute une population à ces sortes de spectacles, je m’écrie avec Alfred de Musset :

« Ô mon siècle ! est-il vrai que ce qu’on te voit faire
« Se soit vu de tout temps ?… »

Eh bien ! oui, toujours ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil, jusqu’à ce jeu de croquet qu’on a cru une in-