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CHRONIQUES

s’en donnent l’apparence, ce qui est le fond de tout puritanisme moderne.

Or, Henry Ward Beecher, qui est un grand esprit, qui n’est l’esclave d’aucune convention et qui voit le bien partout où il n’y a pas de mal nécessaire, entreprend une croisade contre les froides et tyranniques observances qui mènent droit à la corruption, faute d’une liberté honnête. Il veut que les tramways circulent et que les bibliothèques publiques soient ouvertes le dimanche, aussi bien que les autres jours de la semaine. Comme certains journaux fanatiques de Montréal ont déjà entrepris une croisade en sens contraire, il est bon de leur mettre sous le nez ce que dit le grand prédicateur américain.

S’adressant aux riches et aux heureux de ce monde : « Vous avez des demeures magnifiques, leur dit-il, et toutes les sortes de jouissances ; mais en est-il ainsi du pauvre tonnelier, du pauvre forgeron ? En est-il ainsi du pauvre ouvrier qui monte quatre étages pour atteindre sa chambre solitaire sous quelque mansarde où il ne trouve aucun confort, rien qui réjouisse la vue, pas même une petite branche avec des fleurs à sa fenêtre ? Il ne faut pas prendre pour mesure votre prospérité. Il est très facile de dire : « Les tramways ne doivent pas aller et venir le dimanche ; les gens doivent rester où ils sont le dimanche. » Pour moi, je crois tout le contraire, et si vous voulez savoir toute ma pensée, je déclare que les hommes riches ne doivent pas se promener dans les tramways le dimanche, mais que les pauvres doivent pouvoir y aller à moitié prix. Il faut rendre la locomotion facile pour ceux qui en ont le plus besoin. Ceux qui sont obligés de travailler