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CHRONIQUES

des convictions, des espérances, ce qui inspire même les plus graves calculs, sur quelles illusions on appuie souvent tout un édifice social, on ne pourrait plus ressentir qu’une pitié railleuse. Les illusions, en particulier, semblent être le patrimoine héréditaire des Bourbons ; le fait est qu’il ne leur reste guère plus que cela. Voyez le Comte de Chambord. Il croit pouvoir séduire le peuple de ses aïeux par des manifestes et s’obstine à se tenir loin de la France pour lui prouver son amour, en proclamant qu’il ne peut y entrer qu’en roi, comme si la royauté, au XIXe siècle, était un fruit qui mûrit sans culture.

Ces illusions bourbonniennes qui résistent au temps, à l’expérience, aux déceptions, et qui conservent quelque chose de noble en elles, comme toute crédulité poëtique, me rappellent une anecdote assez plaisante que je ne puis m’empêcher de vous raconter.

Lorsqu’en 1814 les Bourbons revinrent en France, ils conservèrent la plus grande partie des cadres de l’armée impériale ; les noms seuls changèrent, les grenadiers de la vieille garde, par exemple, devenant les grenadiers royaux. Un jour que le comte d’Artois, plus tard Charles X, était venu visiter ces braves gens dans leur casernement, leurs nouveaux chefs, tous officiers légitimistes, leur donnèrent le signal d’une ovation en entonnant Vive Henri IV ! Au premier couplet, les grenadiers chantèrent :


Vive Bonaparte
Vive ce conquérant…