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CHRONIQUES

voisinages ; mais, s’il n’y avait cela, où serait donc l’agrément et l’imprévu tant désiré des stations d’eau ? Comme partout et comme toujours, il y a dix Anglais contre un Canadien ; mais, chose inexplicable, les Anglais ôtent ici leurs cols et consentent à se désempeser pour ne pas enlaidir le paysage ; c’est l’influence du lieu. La Malbaie abrupte, pleine de surprises et d’accidents de terrain, avec ses chemins sablonneux et pierreux, montants et descendants, ne permet pas de se guinder et de s’attifer dans une toilette métallique ; il faut avoir la couleur locale et se chiffonner un peu, ce dont les Anglais, après tout, sont bien contents eux-mêmes.

La Malbaie a toute espèce de noms qui correspondent aux différents endroits qui la composent ; mais l’étranger, qui n’est pas prévenu, s’embrouille. Les gens mêmes de la place ne savent plus à quoi s’en tenir, et ils disent maintenant la « Baie, » tout court, pour signifier le lieu où se trouve l’entrée de la rivière le long de laquelle est le village paroissial ; l’étranger appelle volontiers Murray Bay la « Pointe-aux-Pics, » où nous sommes en ce moment ; puis, il y a encore le Cap-à-l’Aigle, au loin, de l’autre côté de la rivière Malbaie, un nom qui s’étend à une succession de promontoires arrondis par la charrue, conservant encore assez de leur aspect sauvage et de leurs bois sombres pour projeter de grandes ombres qui vont se noyant dans le fleuve. Le « Cap-à-l’Aigle » peut avoir une lieue de longueur, et toutes les maisons qui s’y