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CHRONIQUES

mènent au penchant de quelque coteau où soudain se dévoile toute une perspective nouvelle de montagnes fuyant à l’horizon et d’innombrables vallées qui ondulent sous les vents gonflés d’échos et de murmures. Ailleurs, ce sont des cavernes s’entrouvrant brusquement dans le flanc des caps qui bordent le rivage, et que des broussailles, entassées comme au hasard, des angles de rochers suspendus au-dessus de vos têtes, avaient jusque-là dérobées ; partout l’imprévu, le divers, et avec cela une harmonie étonnante, un accord merveilleux de toutes ces choses qui diffèrent et qui contrastent entre elles.

Ce n’est pas seulement par son paysage que la Malbaie est indéfiniment variée, c’est encore par les villages qui la composent et qui, tous, forment des groupes à part où les mœurs sont aussi différentes que les aspects. Ainsi, il y a la Pointe-aux-Pics dont je vous ai parlé, le Cap-à-l’Aigle, le village paroissial, le faubourg Lacue qui est une succession de maisons crottées, hideuses, sordides, refuge de toutes les immondices, mais pittoresquement alignées au bord d’un coteau que suit en serpentant, avec un bruit argentin et mille gazouillements d’oiseaux, une petite rivière bordée d’escarpements formidables et de pentes douces où flottent les gazons. Il y a encore la côte Mailloux, la Comportée… et des chutes, des chutes partout.

Je ne vous parlerai pas de cet endroit bizarre, unique, qu’on appelle le Trou, sorte d’entonnoir entouré par un demi-cercle de montagnes et qu’on dirait creusé dans leurs entrailles ; les habitants, qui ont toujours le mot juste, quoique grossier souvent, lui ont donné le nom qui lui convient exactement. Ce « trou » a environ