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CHRONIQUES

éducation a toujours été mal faite ; on n’enseigne pas la métallurgie dans les collèges et les écoles du Bas-Canada, ou du moins, on n’en enseigne pas assez pour rendre les élèves capables de mesurer tout ce qu’il peut y avoir de bronze dans une âme humaine ou d’aluminium dans les bienfaits dont on grossit une population.

Tout est à refaire en ce sens ; et tant que nous ne serons pas plus forts sur les métaux que nous le sommes, nous serons éternellement des ingrats.


16 Septembre.

Tantôt à Kamouraska, tantôt à la Malbaie, tantôt aux Éboulements, tantôt à Rimouski, puis à Montréal, aujourd’hui à Québec, j’ai rasé de mon aile toutes les plages, et maintenant, las, tirant la patte, avec des cors aux pieds, avec des mains et un visage brûlés par les vents et le soleil, je suis venu m’abattre de nouveau sur le glorieux rocher d’où Frontenac envoya ses boulets rouges à l’amiral Phipps, et d’où reste encore à « être tiré par une main canadienne le dernier coup de canon pour la domination anglaise en Amérique. »[1]

Mais partout, en quelque endroit que se portent mes pas, partout me poursuit le fantôme de l’homme de bronze ; il se dresse devant moi avec des yeux flamboyants comme des creusets et une haleine brûlante comme le souffle des forges. Dieu ! quel éternel cauche-

  1. Sir Étienne Pascal Taché avait déclaré en plein Conseil Législatif que « le dernier coup de canon tiré du haut de la citadelle de Québec le serait par un Canadien-Français pour le maintien de la domination anglaise en Canada. »