Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/27

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Enfin, après la lecture de la proclamation et les autres formalités requises, l’honorable Hector leva son chapeau et fit signe qu’il allait parler.

«  Cieux, écoutez ma voix ! Terre, prête l’oreille ! »   non : « Électeurs libres et intelligents de la division centre de la grande ville de Québec » !… Aussitôt que j’entendis ce début, je partis à la course, j’en avais de reste, j’allai me réfugier sur une galerie voisine pour n’avoir pas à entendre, mais seulement à regarder.

M. Langevin a la voix forte ; on ne le dirait pas à voir sa petite bouche pincée qui a l’air d’envoyer des sifflements plutôt que des sons, mais c’est comme ça. Cette voix de l’honorable compagnon du Bain m’arriva éclatante, perçante, jusqu’à mon refuge. « Je veux représenter la cité de Québec, dit-il d’abord, sans faire aucune distinction de race ou de religion. » Voilà qui est grand, mais ce n’est pas conforme au programme catholique, la plus grande chose qui ait jamais été imaginée. Il y a des nuances dans le sublime. Après cet exorde qui révélait un puissant orateur populaire, l’honorable Hector a parlé du chemin de fer du Pacifique et a renouvelé la déclaration qu’aucune taxe nouvelle ne serait imposée au pays pour sa construction, parce que le gouvernement l’abandonnait aux compagnies particulières. Ici, les quarante voix crièrent « Hourrah pour H. Langevin », probablement parce qu’il venait de prendre un verre d’eau.

Puis, développant cette féconde conception du chemin du Pacifique canadien qui coûterait cent cinquante millions, s’il y avait dans le monde assez d’idiots riches pour l’entreprendre, à côté de la ligne parallèle que les