Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/276

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Et puis, la même raison existe pour les huîtres que pour les autres produits de la mer ; ceux qui en font le commerce le font en grand et se gardent bien de détailler dans des lieux où ce commerce ne serait pas lucratif, et où la population est trop clairsemée. J’ai demandé, je l’ai fait presque avec prière, dans tous les hôtels où je suis allé, qu’on me donnât une bouchée de morue fraîche et une assiettée d’huîtres ; j’ai offert des sommes folles, comme seul un chroniqueur du National peut en prodiguer, et j’ai éprouvé partout les mêmes refus amers. Si l’on en avait eu, ou m’en aurait donné pour rien, mais on n’en avait pas ! J’ai passé devant une fabrique où l’on préparait le homard, j’ai vu quinze à vingt champs couverts des carapaces de ce crustacé vermeil, et j’ai dû me contenter d’en aspirer la provocante odeur. À deux cents pas de moi la Baie roulait ses ondes vertes et bleues tour à tour ; on y voyait presque foisonner des myriades de maquereaux et de morues, et j’ai dû les laisser foisonner. Quoi ! j’ai foulé sous mes pieds vainqueurs la rivière aux Anguilles, et je n’en ai pas même pu pincer la queue d’une ! Ainsi, l’une des plus chères illusions de mon voyage s’est effacée à peine conçue, et j’ai dû corriger mon tourment avec du mouton, du lard et des patates, moi qui m’étais élevé jusqu’à l’huître !


III.


À vingt-six milles plus haut que Dalhousie, sur la rivière Ristigouche, commencent les premières sections de l’Intercolonial dans le Nouveau-Brunsvick. C’est toute une histoire que l’entreprise des quatre