Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/328

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leur base véritable, grâce à la méthode expérimentale de Bacon, nous avons marché si vite et si vigoureusement qu’il semble qu’aucun effort de la barbarie ne puisse désormais refermer le livre. Le dépôt de la science n’est plus circonscrit à un ou deux peuples privilégiés, mais il est le trésor commun de l’humanité entière ; je ne parle pas des Hottentots ni des Cafres qui ne sont hommes qu’à certaines conditions.

Quoique nous n’en soyons encore qu’aux premiers feuillets du grand livre, je maintiens que nous avons raison d’avoir des idées arrêtées sur le progrès et les principes sur lesquels il repose.

En effet, si le progrès n’était point, il faudrait admettre que les hommes sont parfaits dès aujourd’hui ; il serait inutile que l’existence du genre humain se continuât, puisqu’il n’aurait plus de but à poursuivre, puisque la recherche de la vérité et l’étude de la nature seraient d’absurdes tentatives.

Chaque pas que l’homme fait dans la science est une révélation de plus qui apporte un nouvel appui à la vérité. Est-ce que cette agitation particulière à notre époque, en vue d’une amélioration successive et sans limite de la condition sociale, n’est pas un des caractères saillants de cette idée de progrès qui se présente à l’homme moderne sans cesse et sous toutes les formes ? Elle offre le plus parfait contraste avec le monde ancien, avec ses plus nobles interprètes, les Cicéron, les Sénèque, les Marc-Aurèle qui, tout en déplorant et en méprisant leur époque, n’imaginent rien pour la réfor-