Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/357

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sécrétion, qu’elle ait son siège invisible, mais certain, dans un lobe du cerveau, qu’elle soit un fluide électrique, qu’elle soit l’essence de la vie, la résultante de l’organisme, je dis qu’elle ne peut s’éteindre.

Cela ne se démontre pas, cela se conçoit, et cette conception est dans mon esprit si forte, si irrésistible, que j’ai beau me raisonner moi-même, invoquer les démonstrations les plus irréfutables du matérialisme, j’en viens toujours à me heurter à l’absurde.

Il faut que toute créature ait une raison d’être et un objet, et quand cette créature est intelligente, il faut qu’elle ait un but. Or, si l’âme n’est pas immortelle, nous n’avons plus ni raison d’être, ni but à atteindre.

Dites-moi, que servirait de venir au monde, jouer un jour la ridicule comédie de la vie et puis disparaître ? C’est à cela que se bornerait notre fonction, à nous qui mesurons le cours des astres et qui cherchons le secret de tous les mondes, non contents d’approfondir celui où nous sommes ? Qui ne voit que si ces mondes ne devaient pas être un jour habités par l’homme, il n’y penserait même point ? Qui ne comprend que si sa vie devait cesser avec sa disparition de cette terre, il se bornerait uniquement à la poursuite des choses dont il a immédiatement besoin, à la satisfaction de ses goûts et de ses penchants, à mesure qu’ils naissent ? Il n’aurait aucune aspiration, aucun désir de se perfectionner, de se perpétuer par des œuvres qui lui survivront, et il se bornerait à l’horizon étroit qui entoure la petite scène où il s’agite.

Qu’est-ce qui me pousse à écrire ces lignes pour d’autres, au lieu de les penser tout simplement ? C’est que j’ai une vie en dehors de ma vie propre, et par