Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/359

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espérances, le suit jusqu’au dernier jour, jusqu’au dernier soupir. L’homme, en mourant, espère encore. Pourquoi cela, si tout est fini ? Pourquoi souffrir pour le bien, pourquoi se dévouer, pourquoi se rendre inutilement malheureux ? Le voyez-vous ? Le voyez-vous ? Si l’âme n’est pas immortelle, il n’y a plus de vertus possibles, les hommes ne sont tous que d’horribles égoïstes et chacun d’eux est l’ennemi naturel de l’autre.

Qu’est-ce qui peut soutenir contre la méchanceté envieuse, contre le préjugé cruel, contre la calomnie envenimée ? Est-ce la volupté d’accomplir le bien ? Cela ne peut suffire longtemps. Est-ce le sentiment de sa supériorité ? Il n’y a certes là rien de bien consolant, et toutes les fois qu’on veut se renfermer dans son orgueil, on fait au dedans de soi un vide plus affreux que tout le mal qu’on peut recevoir du dehors. Ce qui soutient, ce qui uniquement soutient l’homme, c’est le sentiment de son immortalité, c’est la certitude qu’il n’est pas né seulement pour souffrir, et que, s’il souffre, cela doit être en vue d’une récompense.

Hélas ! j’ai longtemps nié moi-même l’immortalité de l’âme, sans réfléchir. Aujourd’hui je ne la trouve même pas niable ; et, à mesure que j’avance dans la vie, que j’approche du tombeau, l’espérance grandit et me soulève, et j’entends de plus en plus distinctement les voix de l’infini qui m’appellent. Peu disposé à croire en général, n’admettant que ce qui est irréfutable, dans l’ordre des démonstrations scientifiques, c’est-à-dire très