Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/379

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même voter par procuration dans ce parlement où il étouffait tout avec sa majorité accroupie.

Pendant son règne, les Canadiens-Français n’avaient de voix à la Chambre que pour voter. Quant à la langue, ils n’en avaient pas ou n’osaient s’en servir de peur de lui donner le coup-de-grâce[1]. Aujourd’hui la belle langue française a repris ses droits et se fait écouter, par la seule raison que les députés bas-canadiens nouvellement élus savent la parler. Aux ignorants, aux aplatis et aux satisfaits opaques a succédé une phalange de jeunes députés instruits, formés à la parole, connaissant leur histoire et leur droit, et faisant figure, quand leurs prédécesseurs ne faisaient que des ombres. Désormais la province de Québec ne joindra plus au désavantage de la minorité celui de l’incapacité et de l’ineptie ; ses représentants ne seront plus des automates mus par des dîners et des cock-tails. S’il leur arrive, par condescendance, de manger du dinde officiel, ils n’en seront pas farcis, et le champagne, au lieu de les abrutir, prêtera des ailes à leur imagination.

L’honorable Hector n’a pas compris, en donnant son premier dîner si tardif, que les estomacs diffèrent en même temps que les cerveaux. Que de choses il n’a pas comprises, toujours parce qu’il n’était qu’obéissant, et qu’il ne suffit pas, malgré le proverbe, de savoir obéir pour savoir commander ! La Minerve a tort d’en vouloir faire un chef par la seule raison qu’il a été bon soldat. Si on lui ôte l’exercice de l’obéissance, que lui restera-t-il donc, grands dieux ! et quelles

  1. Allusion au français horrible que parlaient bon nombre des députés.