Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/400

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font preuve les directeurs de la compagnie des Remorqueurs, il semble que tout le monde doive en être fier et que chacun de nous reçoive sa part de cette prospérité.

C’est dans un bateau de cette ligne que j’ai quitté Québec pour le bas Saint-Laurent ; le même jour il en partait deux autres qui allaient aux mêmes endroits, ou à des endroits, soit intermédiaires, soit plus éloignés. Trois bateaux se suivant à un intervalle de quelques heures, pour prendre une même route, tous appartenant à la même compagnie, et cela pour de simples stations d’eau où ne vont guère que les touristes, voilà certes qui est inouï chez nous !

Il y a deux ans seulement on eût crié au prodige, à l’extravagance, à la folie, en voyant arriver trois bateaux en un seul jour à la Malbaie et à la Rivière-du-Loup ; maintenant ils peuvent à peine tenir à la tâche. Eh quoi ! L’année dernière encore, deux bateaux suffisaient aux pérégrinations des Américains et des promeneurs indigènes ; cette année, la compagnie des Remorqueurs a dû, non seulement en augmenter le nombre, mais encore créer de nouveaux services, toucher à de nouveaux ports, et doubler, tripler les anciennes destinations. Il n’y a pas aujourd’hui une seule station d’eau, de quelque renommée même naissante, sur une des rives quelconques du bas St-Laurent, où ne vienne, au moins deux fois par semaine, un bateau de cette compagnie.

Ses directeurs, hommes entreprenants, fort intelligents, larges en affaires, ont compris cette vérité si simple que « quelque nombreux et quelque jolis que soient les lieux de villégiature, si l’on ne peut en sortir pour aller de l’un à l’autre, si l’on ne peut se déplacer,