Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/434

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qu’un simple chemin de colonisation ait été si difficile à faire ; on ne comprendra pas que pour une chose indispensable, inévitable, il ait fallu autant de mensonges, autant de tromperies officielles qu’on en prodigue à ce sujet depuis dix ans ; nos petits-fils s’étonneront de leurs grand’pères… En attendant, les colons du Saguenay auront tous blanchi la terre de la poussière de leurs os, et c’est à peine si l’on saura qu’ils ont vécu !

Sic transit defrichatorus.

D’Hébertville au lac Saint-Jean il y a encore quatre lieues à faire dans la partie de la vallée la plus pittoresque, la mieux arrosée et la plus fertile. Deux lieues plus loin se trouve le premier poste de la compagnie de la Baie d’Hudson, autour duquel se groupent quarante familles de Montagnais qui vivent de la chasse et trafiquent avec la compagnie.

Le 24 juillet, à six heures du matin, nous partions, Horace et moi, d’Hébertville pour le lac Saint-Jean. Néron nous avait quittés la veille ; pour moi, Rossus n’était plus qu’un rêve. Retrouverai-je une autre année ce type de la plus noble conquête que l’homme ait jamais faite ? Je l’ignore et le crains également ; j’aime moins Rossus en perspective qu’en souvenir ; et pourtant, il avait galopé comme un lapin les derniers dix milles que nous avions faits ensemble. Aussi, je lui dois une épitaphe :

À Rossus, débris équestre ;
« Voyageur, salue ce coursier et prends-en un autre. »

Quant à Néron, l’exécration de l’humanité pèse sur