Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/436

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stable, pour les fourrures qu’ils apportent, enfin, parce qu’ils sont à peu près tous endettés envers la compagnie et qu’ils ne peuvent se passer d’elle.

Dans les environs du poste où nous étions arrivés, on compte environ quarante familles de Montagnais qui font la pêche en été et la chasse en hiver. Dès que les premières neiges se sont durcies sur le sol, ils partent par groupes nombreux, emmenant femmes, enfants, chiens, tout. Ils se munissent au poste de provisions pour trois ou quatre mois, et comptent sur la chasse pour vivre le reste du temps. Alors, ils s’enfoncent jusqu’à une profondeur de cent lieues et au-delà dans le nord, et ne reviennent souvent qu’avec un maigre butin, car les animaux à belles fourrures deviennent de plus en plus rares, et il faut aller jusqu’à la vallée de la Sascatchewan et au territoire d’Alaska pour retrouver les espèces opulentes. Une fois partis en campagne, les sauvages marchent à petites journées et dressent leur camp chaque soir dans la neige épaisse des bois. Ce sont leur femme invariablement, appelées squaws, qui vont de l’avant, faire les reconnaissances et dépister les traces du gibier : pendant ce temps, l’Indien, étendu sur une peau quelconque, fume son calumet. Quand les femmes ont découvert une trace, fût-ce à trois, à quatre lieues du camp, elles reviennent, indiquent à leurs hommes la direction et repartent avec eux.

Bien des fois il se passe de longs jours, des semaines même avant qu’on ait tracé le moindre vison ou le plus petit castor ; les orignaux et les caribous ont fui bien au loin vers le nord, la poudre est restée intacte, l’Indien compte encore toutes ses balles et les provisions