Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/456

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L’abstinence et la tempérance sont deux choses bien différentes ; la première est une violation des droits que Dieu nous a donnés d’user de ses dons ; la deuxième est l’exercice même de ces droits dans la mesure qu’il convient à des êtres intelligents et raisonnables ; or, on ne peut obliger à cette mesure en décrétant des lois farouches qui visent l’exercice légitime et modéré aussi bien que l’abus. C’est vouloir réduire tout à un même niveau et ne voir dans les hommes, sans exception, qu’un amas de brutes incapables de se gouverner, incapables de faire la moindre distinction dans les choses qu’ils doivent ou ne doivent pas faire ; c’est leur enlever leur libre arbitre, et, par conséquent, toute responsabilité, et par conséquent le principe moral qui les conduit, pour le remplacer par le fatalisme.

Voilà ce que veulent les teetotalers, ces instruments d’un fanatisme nouveau qui prétend régénérer la société et apporter à l’homme la perfection en le rendant assez sec pour la combustion spontanée ; despotes étroits et ridicules qui se croient appelés à refaire la création et qui travaillent, de concert avec le philloxera, à faire disparaître la vigne, l’un des plus généreux dons de la Providence.

Qu’ils continuent leur œuvre, nous n’en avons souci. Il restera toujours quelque chose, avant la fin des siècles, pour arroser les pauvres humains à qui le teetotalisme fait tirer la langue.


FIN DU PREMIER VOLUME