Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/82

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puisque j’y suis. Saint-Thomas est un endroit fort plat, fort laid, fort ennuyeux, mais qui offre un attrait, la pêche au bar. Tout est relatif ; quand je dis attrait, je veux parler pour ceux qui ont la patience ridicule de rester des heures entières penchés sur une ligne, à attendre que le bar vienne mordre. D’autres, qui ont moins de patience, en voyant que le bar ne mord pas souvent, ont trouvé tout aussi commode de le prendre par la queue, d’où l’on voit que tous les moyens sont bons et que les extrêmes se touchent.

Je lis cette pensée dans une revue américaine : « Une lettre est un échange indirect des idées ; la conversation est un échange personnel de la vie. » Il y a de grands écrivains tels que Buffon, Descartes, Lafontaine, Marmontel, Goldsmith, dont la conversation était insupportable, tellement qu’après une heure de causerie avec eux, on était obligé d’avoir recours à leurs livres pour ne pas être tout à fait désenchanté. En revanche, Mmes de Rambouillet, Récamier, de Longueville, de Staël et de Solms, qui réunissaient dans leurs salons les plus beaux génies de leur époque, font voir quelle est la puissance de la conversation. Les femmes ont du moins sur nous cette supériorité incontestable, c’est qu’elles peuvent causer avec beaucoup de charme et écrire en même temps avec une grâce infinie.

Je m’aperçois que ma chronique devient de moins en moins québecquoise. Que voulez-vous que j’y