Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
VOYAGES.

qui, chez les peuples policés, remplacent souvent l’honnêteté, la franchise et la véritable politesse. Il faut oublier de faire ses excuses à chaque instant, d’avoir toujours son chapeau à la main, d’être arrogant ou dédaigneux envers quiconque ne paie pas de mine ; dans l’ouest il n’y a ni société, ni manières, ni ce qu’on appelle communément l’éducation, et qui n’est souvent qu’une perversion déplorable du sens droit et de la pente naturelle. Les hommes y sont ce qu’ils sont, non ce qu’ils ont été ou ce qu’ils pourraient être soit par leur famille, soit par leurs relations, soit par leur degré de culture ou des avantages tout d’extérieur et de surface qui ont tant de prix là où la forme est un culte : quiconque s’occupe et vit, par lui-même est un gentleman ; le nègre qui fait votre lit dans le Pulman Car et qui frotte vos chaussures est un gentleman ; ne vous avisez pas de dire en parlant de lui : « that man » ; si vous apportez, quatre-vingts lieues plus loin que Chicago, le raffinement inutile, embarrassant et ridicule qu’on attache dans nos villes aux actes les plus insignifiants, on vous regardera comme un être fantastique. Mais d’un autre côté, soyez poli, obligeant et avenant envers tout le monde ; vous ne trouverez pas un homme dans l’Ouest qui ne vous rende service, s’il est en mesure de le faire, et il ne comprendra pas que vous l’en remerciez ; les hommesétant dans ces régions encore fraîches, absolument et essentiellement égaux, ils sont pénétrés de leurs devoirs les uns envers les autres et il n’y a pas d’obligés. Si l’on a confiance en vous, on vous donnera tous les moyens possibles de vous tirer d’affaires, on vous aidera, on vous poussera, sans songer si c’est du temps perdu ou si l’on oblige un ingrat ; le caractère essentiel de tous les actes de ces rudes habitants est d’être absolument naturel, dégagé de tout ce cortège de ré-