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gnation par des gestes de colère, des battements de pieds sur le plancher… Le professeur alors se frotta les mains, regarda son livre, fit semblant de lire un moment, puis épela sur ses doigts lentement :

« Un Miracle dans Montréal ! — Les pauvres sourds-muets expriment leur joie et leur impatience de savoir ce que c’était, en battant des mains. Un sourire de satisfaction passe sur la figure du professeur qui raconte ce qui suit : — Dernièrement, dans Montréal, temps durs, plus de pain, beaucoup mourant de faim ; les religieuses demandent à un prêtre de recueillir de l’argent pour avoir du pain ; le prêtre répond « beaucoup de pain dans le couvent. » Les nonnes vont voir et ne le trouvent pas. Elles reviennent vers le prêtre et le lui disent. Le prêtre leur jure qu’il y a vingt-cinq pains dans un buffet, les renvoie chercher de nouveau et les suit, en embrassant la croix et en priant la vierge Marie. Les religieuses ouvrent le buffet, et… trouvent les 25 pains. »

Un tonnerre d’applaudissements termine ce récit. À peine a-t-il rétabli l’ordre que le professeur s’écrie : « Les protestants ne peuvent pas faire de miracles, parce qu’ils sont méchants et que leur religion est fausse. »

Sur ce, les sourds-muets s’agitent comme des furieux et montrent le poing.

Puis vint la pièce suivante :

« Meurtre accompli par des Protestants. L’Hostie. — Un saint prêtre a été dernièrement assassiné et volé, près de Montréal, d’une somme d’argent recueillie pour des fins charitables.

« Les assassins sont des protestants. Le jour suivant, on trouve le corps du prêtre ; brillante auréole autour du corps, brillante comme le soleil. Le phénomène était causé par des hosties dans la poche du prêtre. Le corps ne s’est jamais décomposé, il est resté beau et parfait jusqu’à ce jour » (ô Pacifique ! on te la coupe).

Ce nouveau récit est accompagné de tels gestes de rage par les sourds-muets, de telles menaces contre les protestants, que je songeai à mon heure dernière.

« Un autre Miracle ! — Une jeune fille tombe dans un puits très profond ; elle flotte sur l’eau et est sauvée par le scapulaire qu’elle portait sur elle. Elle reste dans le puits toute la nuit et le jour suivant. Un prêtre la voit dans un rêve et vient la sauver. » (Pourquoi ça, puisqu’elle était si bien dans ce puits ?)

Le professeur montre alors le scapulaire que les sourds-muets regardent avec admiration et respect, se frottant les mains de bonheur.

L’autre histoire fut celle-ci :

« Garibaldi complote de tuer un prêtre ! — Garibaldi feint d’être malade, envoie chercher un prêtre. Ce prêtre trouve Garibaldi au lit ; un poignard était caché dans ses draps. Le prêtre lève sa croix et prie. Garibaldi, touché du remords, tremble et confesse son intention. »