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y aviez consenti. Aujourd’hui, vous renchérissez là-dessus. Ce n’est plus le P. Commire, qui vous a offert, c’est vous qui avez demandé. Je dois dire que votre première version est conforme, et non pas celle d’aujourd’hui, à la déclaration du P. Commire. — R. Monsieur le président, qui accepte demande ! (Mouvement très marqué dans l’auditoire.)

Qui accepte demande, ça devient trop raide pour moi.

Je sais bien, jésuitiquement parlant, qu’il y a plusieurs façons de demander, comme il y a plusieurs façons d’accepter, sans en avoir l’air, et de façon à faire croire qu’on refuse, mais accepter en demandant me renverse tout du long.

Envoyer des enfants chez les Jésuites pour apprendre que demander, c’est accepter, je ne trouve pas que ça paie.

Si, encore, ils se contentaient de fausser, de violer le sens des mots, je ne dis pas, mais c’est le sens intérieur, c’est la conscience qu’ils faussent et dénaturent.

On sort de chez eux avec des idées horribles qu’on exprime avec des mots qui n’ont plus le sens convenu, et dès lors toute honnêteté dans les relations, toute franchise disparaît.

M. le président. — Dans l’instruction, mon enfant, vous avez déposé ce qui suit : que vous étiez dans la cour de récréation avec le jeune Ségéral ; que celui-ci vous raconta les sévices dont il avait été l’objet le 22 novembre, qu’alors vous lui dites avoir été fustigé vous-même peu de temps auparavant, mais dans un autre cachot et avec un martinet à manche, au lieu d’une corde à nœuds. Cette déclaration de votre part était corroborée par le témoignage de Ségéral qui rapportait votre conversation dans les mêmes termes. Aujourd’hui, vous prétendez que tout cela est mensonge ; qu’au moins il est faux que vous ayez jamais été battu. — R. Oui, monsieur, j’ai bien dit cela à Ségéral, mais cela n’était pas vrai.

Vous avez donc menti ! Mais comment se fait-il que vous appreniez à mentir si facilement dans une maison sainte ?

Examinons. Quand vous avez dit cela à Ségéral, vous n’aviez aucune raison de mentir. Qui pouvait vous porter à donner des détails précis sur un châtiment que vous n’aviez jamais reçu ?

Mais lorsque vous venez dire tout le contraire au tribunal, qui ne voit clairement que la leçon vous a été dictée d’avance, et que les menaces qui vous ont probablement été faites l’emportent sur la honte de vous donner à vous-même un démenti public ?

D. Rien n’était vrai ? Ces détails, ces circonstances d’un autre